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Captain fantastic… « Captain, o my captain ! »

Publié le par Eric Bertrand

« Captain fantastic » ! Ne pas se fier au titre ! Il ne s’agit pas d’un film de super héros ! Et pourtant, tout commence en pleine action, au beau milieu de la forêt, au moment de la chasse au gibier. Tapis dans les broussailles, des enfants sauvages, tatoués comme des guerriers, sont initiés par leur père et capitaine à un antique rite du sang. Et la maison de famille qu’ils habitent au fond des bois ressemble un peu à la maison de l’Ogre !

    Mais l’Ogre en question est un vigoureux chasseur, un sage marginal, disciple de Thoreau, qui éduque ses enfants dans le sens d’une vie naturelle menée à l’écart, dans une cabane isolée. Dix ans auparavant, avec son épouse, il avait quitté une grande métropole (probablement Los Angelès) afin, délibérément, de tourner le dos à la société de consommation et de partir loin, à la quête de vraies valeurs (quelque part dans le Montana peut-être).

    Le couple a six enfants, trois filles et trois garçons âgés de sept à 18 ans. Quand le film commence, les enfants ont adopté le mode de vie de « l’ogre » et acceptent, sans rechigner, les principes rudes et sportifs  de la survie dans un milieu rudimentaire où ils doivent aussi consacrer du temps à l’étude et à la culture. L’objectif déclaré du père, c’est de faire de l’enfant le « philosophe roi » d’une sorte de paradis terrestre, de « République » de Platon.

    Pour cela, les « sauvageons » sont aussi des disciples modèles, prêts à tout pour accroitre leurs connaissances intellectuelles. La maison dans les arbres dispose d’une véritable « librairie » à la Montaigne, et les enfants sont aussi dociles dans l’exercice du corps (entrainement militaire imposé à heures fixes) que dans celui de la réflexion et de l’analyse des textes. Car la culture n’est pas poudre aux yeux, occupation stérile comme elle l’est pour les enfants des universités et les cousins ! Elle doit au contraire favoriser l’échange, l’esprit d’analyse, la distance critique. Ainsi, quand l’une des deux adolescentes, décide de lire (en cachette !) le « Lolita » de Nabokov, le père lui demande aussitôt d’en proposer un premier bilan : mais pas question d’approximation ! Ni résumé, ni jugement vide de sens ! Si elle veut garder le livre, la lectrice doit le mériter, examiner les enjeux profonds du roman, les évaluer dans leur contexte, apprécier la charge humaine et sentimentale de la narration...

    Cette parfaite organisation à la Rousseau, où chacun doit trouver son équilibre dans le milieu naturel, est perturbée par la nouvelle de la mort de la mère partie depuis plusieurs mois dans un hôpital pour essayer de se soigner d’une grave maladie. Comment réagir ? Quitter le cocon forestier pour la jungle des grandes villes ? Confronter les « enfants sauvages » aux enfants de la civilisation ? Accepter les modes de vie auxquels les parents ont depuis longtemps renoncé et essayer de les assimiler en quelques jours ? Comment manger macdo ? Comment faire ses choix d’alimentation dans un supermarché ? Comment s’habiller à l’église sans avoir l’air du chanteur leader des Bee Gees ou d’un masque de carnaval ? Comment, très simplement ( !), parler d’amour à une jeune fille rencontrée dans un camping ? Comment assister à une messe traditionnelle   alors que la défunte réclamait un rituel païen très particulier pour son passage dans l’autre monde ?

         Autant de péripéties, de tribulations qui donnent aussi à ce film une coloration comique et picaresque… Tout au long de ces deux heures de projection, le spectateur se promène constamment entre fable philosophique sur l’éducation, la culture, la nature, la mort de l’être cher et les rituels d’accompagnement, et road-movie aux Etats-Unis. Et, à travers ce jeu subtil qui le fait osciller entre deux mondes, nature et culture, forêt et ville, il est ramené à ses origines profondes, à ses instincts de loup. Il devient un peu l’enfant, un peu l’ogre, un peu Thorau, qui observe, avec un œil presque ingénu, ces silhouettes étranges de consommateurs (jugés peu « félins » par la « tribu »), ces individus pressés et vains, ces modes de vie dangereux et ces catégories défigurées par des siècles de civilisation.

Cinéma

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