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cinema

« Le règne animal » : le loup et la forêt dans l’homme

Publié le par Eric Bertrand

Des nouvelles du monde qui mettent de mauvais poil, une civilisation qui formate l’individu et qui finit par l’aliéner à force de nourriture et de pensée conditionnée, des embouteillages qui empêchent d’avancer dans la vie, la stridence des klaxons et la nausée des gaz d’échappement… Dès le début du film « le Règne animal », la rage étreint le héros et le met en marge d’une société qu’il rejette, lui qui essaie d’éduquer son fils Émile dans le sens d’une libre pensée marquée par la citation de René Char : « Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards, ni patience. » Pour toute réponse, et bien qu’il soit doté d’un prénom rousseauiste, l’ado Émile avale sans réfléchir un paquet de chips bourrées de colorants et d’agents nocifs à son équilibre naturel et finit par s’énerver.

                    Dans sa fuite en avant, son père est comme un animal blessé, écorché vif par la griffe de sa rébellion et le traumatisme de cette étrange mutation qui a frappé sa femme ainsi que d’autres humains, régressant vers l’animalité. Pour autant, il continue de l’aimer, elle qu’il continue d’aller voir à l’hôpital, malgré ses poils, malgré son odeur fauve et malgré la perte du langage qui est l’un des signes de la progression de la maladie. Il n’a plus que les soupirs, les grognements et les caresses maladroites.

             Après son déménagement dans une zone plus sauvage, il retrouve une complicité avec Émile qui recherche lui aussi sa mère. Dans la forêt à la lisière de laquelle ils sont désormais installés, il raconte à son fils les premières heures de leur rencontre quand avec elle, il chantait la chanson de Bachelet : « elle est d’ailleurs ». Il aurait pu aussi bien chanter cette chanson de Polnareff : « J’en ai marre de voir les animaux dans les zoos… Je voudrais redevenir l’homme préhisto avec rien sur la peau » ou cette autre de Zazie : « Je suis un singe ou un poisson, pur produit de consommation, je suis de l’homme la négation ».

             Car ce qui trouble aussi dans ce film, c’est qu’il médite sur cette part animale que nous avons tous sous le vernis de la civilisation. Les poils et les griffes poussent sur le corps du fils atteint lui aussi par la mutation. Son œil étincelle, sa force physique est décuplée, il se met à courir plus vite, il souffle, il hurle, son geste est vif, son ouïe se développe, c’est l’appel de la forêt qu’il ressent. Comme le chien de Jack London, il redevient un loup. Ne fait-il pas entendre en même temps le cri qui hurlait dans le cœur de son père au début du film ? Celui d’un homme lassé par les autres hommes, par ces créatures hypocrites qui cachent les abois du sexe derrière les apparences, les puanteurs derrière les savonnettes et la détresse de leurs pulsions dans les plis d’un langage factice ? Ces autres hommes pleins de tremblements, avides de rut et de sang, qui s’élancent, salive aux dents,  rhinocéros lourds et aveugles armés de fusils, pour anéantir les « créatures » qui se sont réfugiées dans la forêt.

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Le film « Sur la route » de Walter Salles : voyage au bout de la route...

Publié le par Eric Bertrand

Pour ceux qui suivent l’actualité Kérouac cette année, il n’est pas inintéressant de faire un tour par Canal Plus ce soir. La chaine diffuse en effet le film que j’ai vu au moment de sa sortie l’an dernier et qui m’a donné envie de revisiter l’univers De « Sur la Route » en modifiant tout de même un certain nombre de points...

La silhouette de Dean Moriarty danse sur la route ouverte et la conquête de l’Ouest des Etats-Unis. Dean Moriarty est un phare allumé sur la calandre de la voiture dans laquelle Sal Paradise et sa troupe de déjantés s’enferment pour suivre un ange diabolique qui les entraîne jusqu’au bout de la nuit. Le film de Walter Salles montre cette fascination qu’exerce le personnage sur tous les proches du narrateur de Sur la route. Les syllabes du nom « Dean Moriarty », dont les lettres sonnent à plusieurs reprises tout au long du film, comportent sans doute, aux oreilles du réalisateur, un peu de cet enjeu qu’est le « beat »... « DEAN MORIARTY », alias Dean Cassidy, nocher infernal à bord d’une drôle d’embarcation, mène ses compagnons de l’autre côté du « Fleuve Amérique ».

Autour de Dean et de Sal Paradise (comprenez Jack Kérouac), gravite une joyeuse troupe de rêveurs, junkies, artistes fous, écrivains, poètes, musiciens, lecteurs passionnés de Rimbaud, Proust ou Céline. Tous avides d’expériences extrêmes, de « dérèglements de tous les sens », à l’image de Rimbaud dont l’image surgit au-dessus de la machine à écrire, tous dans cette « fureur de vivre » chère également à James Dean...

Dès les premières images, c’est la route qui prend la vedette, c’est elle que tous dévalent à toute allure. La route droite qui s’enfonce vers l’ouest, la route que les sandales usées martèlent « Sandales tellement pleines de champignons que, si on les plantait, elles pourraient pousser » plaisante un autre stoppeur... Le pas de l’auto-stoppeur s’accélère, la cadence redouble, l’ombre du sac à dos gigote, la portière d’une Cadillac claque. Sal s’installe, discute, redescend, fume un joint, lit trois pages, écrit trois mots, nouveau lift, saute à l’arrière d’un pick-up, discute avec la clique des gens de la route, « on the road ! »... Clac clac de la Remington. Le clavier saisit des mots, ce qu’ils appellent « le it », musique, rythmes, volutes, vapeur, alcool, marijuana, « substances », LSD, jazz, sexe, moteur, vitesse, tête à l’envers, jambes en l’air, noms de lieux, du côté de Denver, du côté de Frisco, Marcel Proust posé en évidence sur le tableau de bord, « Swan’s Way »...

« My name is Sal, I’m going to Denver »... New York - Denver - San Francisco - New -Orleans - Mexico. La route accomplit une capricieuse rotation vers des lieux de promesse. Au début de l’histoire, Sal a perdu son père et Dean cherche le sien. Quête du père spirituel, quête d’une famille décomposée, sans cesse recomposée. Dans un autocar, Sal rencontre Terry, « la petite Mexicaine » et dans la voiture de Dean, c’est la vicieuse Marilou, vampire adorable (à laquelle Kristen Stewart prête ses traits et ses veines palpitantes), qui trône et impose sa loi : à bord de cet espace de fortune, un moteur entre les jambes, un volant dans les pattes et sous la jupe, tous les coups sont permis.

Dean est un feu sur l’horizon, une figure à la fois torride et mélancolique, le « feu de croisement » de Sal qui allume, sur un coin de route, ses feux de position. Le réalisateur a choisi ce point de vue : il nous le montre captif, occupé à contempler Dean, (mauvais génie, figure idéale ?), capable de tout tenter, jusqu’au fond de l’ivresse. Finalement, Sal s’arrête au bord du précipice. Ce que Walter Salles cherche surtout à nous montrer, c’est que Jack Kérouac veut écrire son roman à partir des expériences qu’il est en train de vivre... Que, même s’il est tenté par le bout de la route, il choisit de tout arrêter et de laisser s’évanouir Dean dans la nuit new-yorkaise.

L’une des dernières images du film, très belle, c’est celle de Dean venu revoir son ami après une longue absence, Dean fatigué par la route, les nuits de débauche et de veille. Ce Dean là cède peu à peu la place au Dean que le papier ressuscite... Sal, bien habillé, dandy façon Scott Fitzgerald, décide cette fois de l’abandonner pour suivre des amis à un concert. Il embarque à bord d’une grosse Limousine et Dean reste là, hagard, sur le pavé de New-York.

Mais dans la nuit qui suit la séparation, l’écrivain débridé s’empare enfin de ces brouillons qui ont ponctué son aventure et se met au travail, acharné, halluciné... travail non plus d’autostoppeur mais de mots stoppeur, d’images et de sons stoppeurs...

Le film « Sur la route » de Walter Salles : voyage au bout de la route...

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Les Emotifs anonymes de Jean-Pierre Améris, toutes les émotions que donne le chocolat (1/2)

Publié le par Eric Bertrand

On connaissait « les alcooliques anonymes » mais que sait-on au juste de cet autre cercle baptisé « émotifs anonymes » ? Le cinéaste réalisateur du film Jean-Pierre Améris (rencontré dans ce blog à l’occasion de la projection de « l’Homme qui rit ») confie qu’avant de devenir réalisateur, il a lui-même participé à des réunions d’émotifs anonymes. Timidité, gêne, peur panique de rater ses entrées, de s’engager, de se tromper...La vie est angoissante parce qu’on multiplie les erreurs et qu’il n’y a jamais moyen de revenir en arrière... Il n’y a guère qu’au cinéma qu’on peut se cacher dans le noir, qu’on peut inventer une histoire, et qu’on peu couper, recommencer les scènes et gommer les défauts, éliminer les erreurs, rectifier la trajectoire... Dans une salle de cinéma, nous sommes tous plus ou moins des « émotifs anonymes » et il n’y a rien de plus désagréable que le moment où, dans les salles obscures, on rallume les lumières !

Chez les « émotifs anonymes », et selon un rituel bien rôdé, s’expriment de grands timides : « Bonjour ! Je m’appelle Angélique... Bonjour Angélique !... » Angélique, doux visage d’ange joyeusement incarné par Isabelle Carré, baisse les yeux, sourire gêné, paupières qui papillonnent, s’effondre au milieu des autres anonymes qui la consolent.

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Into the wild the Seann Penn : une autre forme de route et un autre Jack...

Publié le par Eric Bertrand

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Il ne fallait pas manquer ce film de Seann Penn qui est passé mardi soir et auquel j’avais consacré un plus long article en février 2008… Il raconte l’histoire vraie de Christopher MacCandless, 22 ans et promis à un brillant avenir. Alors qu’il est en passe d’intégrer la grande université de Harvard, il prend la route et abandonne tout. Le voilà lancé en direction de l’Alaska dont il fait un motif obsessionnel, « the wild ».
           Dakota, Colorado, Californie, route, rail, rapides, voitures, trains de marchandises, kayak… Aventure semée de rencontres et de confrontations au bout de laquelle celui qui a choisi comme pseudonyme « Alexander Supertramp » entre en pleine fusion avec la nature âpre et sauvage d’Alaska où il devient un loup d’abord enragé puis famélique…
              En même temps que le récit d’une aventure haute en couleurs, le film offre un tableau très juste des Etats-Unis, marqué par les fausses valeurs d’une politique de la promotion personnelle, d’une éducation fondée sur l’argent, d’une éthique qui érige la réussite professionnelle comme principe unique.
              Dans ce contexte, le libre penseur apparaît toujours comme un marginal, un dérouté. Les immeubles, les voitures, la densité du trafic, la rigueur de la loi et la présence obsédante de la police l’écrasent et le défient constamment. (Terrible image de Los Angeles au milieu du film…) Seule, la nature américaine promet les grands espaces et un cadre propice à l’épanouissement et aux fantasmes de la vie sauvage, loin des interstates (le film montre les grands lacs, les torrents tumultueux du Colorado, les massifs rouges du Grand Canyon, les rouleaux du Pacifique, les forêts d’Alaska et du Yukon cher à Jack London, souvent cité par Alexander Supertramp…)
                La véritable motivation de Alexander Supertramp, c’est ce que London appelle « the Call of the wild ». Ce magnifique roman qu’on traduit faiblement par « l’Appel de la forêt » et qu’on a encore trop tendance à considérer comme un roman pour enfants… Un enfant de collège, avec bonbons, i.pod et portable dans les poches, peut-il aujourd’hui comprendre ce que c’est que le « call of the wild » ?
                Alex l’a bien compris. Le film met en parallèle deux périodes : celle de la quête de l’Alaska et celle de son séjour dans une carcasse de bus perdu au cœur de la nature.
                Un Ecossais, John Muir, a posé il y a plus d’un siècle le principe selon lequel « Wilderness is a necessity ». A partir de ce principe, il a créé les grands parcs de Yellowstone et Yosemite. Alex a trouvé que cet appel valait bien mieux que celui de la réussite sociale. La route qui le mène en Alaska est semée de rencontres et de temps forts : le hippie et sa femme qui revivent en sa compagnie les heures fortes de leur jeunesse. Le vieux retraité qui veut faire de lui son héritier et qui réapprend l’enthousiasme à ses côtés. La jeune fille sensible et artiste qui tombe amoureuse de lui… Le fermier qui tient une grosse exploitation et qui l’embauche pour un temps. Tous sont charmés par ce garçon dont l’énergie les ébranle et dont la silhouette fugitive les ramène aussi jusqu’aux racines de leurs rêves.

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Article du mois : « Alceste à bicyclette » : y-a-t-il quelqu’un au bout du « Philinte » ? (Intégral)

Publié le par Eric Bertrand

 

 

C’est la fin de l’hiver. En alliance avec la mer et les plages du débarquement de Rivedoux et de Sablanceaux, le pont de l’ile de Ré, trace avec le continent une sorte de ligne de démarcation épaissie par le rideau de pluie. Les rares voitures continuent de passer de l’autre côté, là où la vie promet de s’arrêter. Familles, familiers, nantis propriétaires de villas à vendre, sportifs élégants juchés sur de vieux vélos, amoureux de la mer, des oiseaux et des marais, peintres, photographes, poètes, penseurs...

Les volets verts sont fermés et la mer a des teintes grises. Dès le lever du pâle soleil, les rares cyclistes en mal d’escampette affrontent, sur les pistes cyclables, les tirs obliques du vent et la poudre des marais salants. Et les blancs goélands passent en estafettes, indifférents aux tourments des hommes. Dans « le Misanthrope » de Molière, Alceste est de ceux-là. Fatigué du monde et de ses vanités, des masques et des « tours de souplesse dorsale », le héros de la pièce favorite de Rousseau s’est lui aussi retiré du monde. Il aspire à une retraite écartée, à une sorte de paisible hermitage qui servirait de refuge à sa mélancolie.

« Trahi de toutes parts, accablé d’injustices / Je vais sortir d’un gouffre où triomphent les vices / Et chercher sur la terre un endroit écarté / Où d’être homme d’honneur on ait la liberté »... Serge Tanneur, héros du film de Philippe Le Guay, « Alceste à bicyclette », ressemble à cet Alceste-là. A la suite d’une dépression, il a quitté les paillettes et le « show-bizz » et a voulu « tourner la page ». Tout près des grandes plages de sable de Trousse-Chemise, entre les Portes et Ars en Ré, il médite désormais en « promeneur  solitaire ». Son repaire est une maison délabrée située au cœur de l’un de ces villages rétais qui, pendant tout l’hiver, fait de son nombril un corridor de volets verts et de façades blanches. « Et la cour et la ville / Ne m’offrent rien qu’objets à m’échauffer la bile ». Et pour cause... dans le ventre de sa maison léguée par un vieil oncle, Serge, intraitable Fabrice Lucchini, enrage faceà la fosse sceptique qu’il faut purger, aux tuyaux d’évacuation « qu’il faut raccorder ». Comment ça, « être raccordé », lui qui tient tant à son « indépendance » !...

C’est à ce moment précis que Gauthier Valence, acteur de télévision à la mode, « de passage dans la région », rend visite à son vieil ami qu’il a côtoyé naguère sur les plateaux. A la vérité, il a une idée derrière la tête : celle de lui proposer les rôles d’Alceste et de Philinte. Les deux complices enfin réunis joueraient en alternance les deux personnages du « Misanthrope » : le « romantique chiant », celui qui refuse le genre humain et le diplomate formaté, celui qui joue et s’accommode des masques et des grimaces. « Et mon esprit enfin n’est pas plus offensé / De voir un homme fourbe, injuste, intéressé / Que de voir des vautours affamés de carnage / Des singes malfaisants et des loups pleins de rage. »

Cette idée ne convainc pas immédiatement le misanthrope rétais, mais elle le travaille, d’autant qu’il connaît par cœur déjà les longues tirades des premières scènes, et qu’il les aime et qu’il se plaît à les réciter sur tous les tons, dans toutes les positions. Alors qu’à cela ne tienne ! On se donne cinq jours pour essayer le texte et pour se décider... Moments de réflexion et d’introspection, moments de jubilation et d’énervement (fichu portable de Gauthier qui n’arrête pas de sonner et qui casse la musique et la concentration !), moments de diction (faut-il scander le texte et respecter la cadence de l’alexandrin ou banaliser le vers pour le « panier de la ménagère » et le vider comme un poisson sur un marché ?)

Pour le plaisir du spectateur et des badauds affolés par la présence d’acteurs dans le petit village (bel effet de mise en abîme de ce qui s’est vraiment passé l’an dernier autour d’Ars en Ré pendant le tournage...), les deux comédiens ferraillent et disent le texte. Emule des théories de Stanilavski qui veut que l’acteur imagine « le passé du personnage », Gauthier Valence propose par exemple, sous l’œil sceptique de son partenaire, un Alceste boitillant, qui aurait transformé sa haine du père castrateur en haine contre la société !

Le combat et la conviction de Serge est d’un autre ordre. Il rappelle un peu le combat que Lucchini mène chaque jour sur la scène quand il dit les textes de La Fontaine, Céline  ou Flaubert... Accroché à la beauté musicale du vers et à « la magie organique » de l’alexandrin, il exige de la nièce de la patronne de l’hôtel (qui commence le métier de comédienne en tournant dans les pornos) une tirade de Célimène. La jeune fille obtempère, mais elle est pressée... « Son mec » l’appelle sur son portable et Molière n’est pas au bout du fil, ni du Philinte d’ailleurs ! Dans quelques heures, elle tourne à Prague, dans des studios spécialisés où mettre en bouche l’alexandrin ne sert pas à grand chose... Soupirs de l’élégant Alceste et du dandy Philinte !

De toute manière, la vie réserve encore son lot de surprises et d’émerveillement au vieil ours d’Ars en Ré qui s’amourache, chemin faisant, d’une Italienne désabusée, une anti-Célimène fâchée contre les hommes. « Des amants que je fais me rendez-vous coupable ? Puis-je empêcher les gens de me trouver aimable ? Et lorsque pour me voir ils font de doux efforts / Dois-je prendre un bâton et les mettre dehors ? » Et voilà Alceste Philinte qui, aux côtés de Francesca, sur le Pont de Ré, renonce à la vasectomie qu’il avait programmée à l’hôpital de La Rochelle et qui chante à tue-tête una vecchia canzona italiana...  « Gira il mondo, gira ! »

« gira il mondo... Un mondo
Soltanto adesso, io ti guardo
Nel tuo silenzio io mi perdo
E sono niente accanto a te »   

 

Belle Ile février (81) [1600x1200]

 

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