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Auprès du ruisseau avec Marcel Moisan à l'occasion de la sortie du livre "Eh ! Papy, qu'as-tu fait dans la vie?"

Publié le par Eric Bertrand

Depuis qu’il est allé à l’école de Trémuzon, qu’il en entend encore la voix de l’institutrice, Marcel trouve que la langue est un vin doux. Et je me souviens de lui et de son goût pour la poésie. À travers son recueil de poèmes paru ces derniers jours aux éditions « la Roche de Muzon », il reprend miraculeusement entre les genoux ce moulin à café de son enfance et fait tourner la manivelle des mots. Et petit à petit, les grains du Temps passent dans la trémie de sa mémoire.

Dans cette Bretagne d’avant le remembrement, il se revoit, les mains sur les cocottes de frein de son nouveau vélo ou caressant la crinière des chevaux, ou sur le chemin de l’école et des premières émotions, quand le cœur crie « Victoire ! » sur une fourmi ou une araignée… Il se sent chevalier servant, occupé à guetter « les princesses des champs », libellules, ces autres « demoiselles » qu’il admire parmi les fleurs qui jouent « à qui veut se faire voir la première ».

Certains textes renvoient au tournant du siècle, siècle de « fournaise » qui a vu les hommes s’entretuer. Il sait hélas, que les choses sont éphémères, pose déjà un regard inquiet sur la diminution de la biodiversité : « Et même les abeilles si utiles pourtant ont presque disparu et ça c’est inquiétant » ; observe les détails de sa vie passée comme il observait le nid des pinsons au printemps ; caresse les mots comme il caressait son orange de Noël ; parle avec ses vaches, ses poules et ses lapins ; laisse chanter loin de lui les Sirènes du Progrès ; s’accroche à son mât, à ses champs, au boudin, au saucisson et au petit vin du dimanche ; se laisser griser le temps d’une danse ou « à soixante-dix ans passés », au cours de l’un de ces « voyages organisés par le club » au Portugal, en Italie, au Tyrol, en Andalousie, en Belgique… « Les voyages forment la jeunesse mais occupent aussi le temps de la vieillesse. »

Ce qui comptait pour lui, c’était de sentir battre son cœur, ce cœur auquel il dédie un long poème au centre du recueil. Il bat au rythme des saisons, au balancier du Temps, marque l’inquiétude de l’âge qui vient, de la santé qui défaille. Il sent filer entre ses doigts l’eau si pressée du Temps, aussi pressée que celle du ruisseau dans le pré où « à dix ans à peine », il envoyait de faux bateaux se faufiler parmi les herbes. Comme les mots dans un livre, ces brindilles ont fini par trouver leur place.

Vingt-cinq ans ont passé. Merci Marcel, auprès de ton cerisier, je te revois maintenant et c’est comme si je t’entendais à nouveau et même un peu mieux.

Auprès du ruisseau avec Marcel Moisan à l'occasion de la sortie du livre "Eh ! Papy, qu'as-tu fait dans la vie?"
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