Avant de jeter un coup d’œil sur le dernier devoir à propos du
« Ponton » donné en première L, quittons les murs du lycée et des classes pour un petit tour du côté de la Sicile
et du reportage écrit sur place. Je vous amène à Pelerme ce matin…
Palerme est une ville énorme,
écrasée de soleil et « rumorosa », « rumeureuse » comme disent les Italiens pour indiquer le bruit. Je serais tenté par le néologisme.
À condition de supporter Palerme, de faire abstraction du bruit et de la chaleur, de
la foule et des voitures, alors la ville porte et l’esprit se débride.
Palerme vous emporte au-delà des grandes avenues (via Roma, Maqueda, Corso Emmanuele),
vers de petites rues étranglées, sinueuses, des façades de palais à l’abandon, des églises en ruines,
fontaines baroques, des palmiers, des plantes luxuriantes un peu partout, dans les rues et sur les balcons, des touffes d’herbe entre les trottoirs des coins plus miséreux… Végétation parfois si
présente qu’on a l’impression d’une étrange cité précolombienne reconquise par une jungle poussée dans
les franges de l’imaginaire.
Sur la Piazza
Marina, tout près du port, d’anciens cytis magnolias se tordent sur des troncs aux racines compliquées : comme des cerveaux débobinés aux quatre
vents, ils ont des contes à débiter… Dans les allées du jardin, une mariée circule doucement, environnée de la suite élégante de la noce. Un caméraman filme la robe blanche et
le cortège des simulations, sourire ravi des mariés, premier baiser, visage ému, larme de citron, le citronnier
fait partie de la noce. Le témoin mélancolique suit dans sa robe fourreau.
C’est le théâtre de
l’amour qui se joue, et c’est le caméraman le metteur en scène. Les deux époux futurs se livrent souplement aux doléances. Il y a, au bout du jardin,
une estrade en bois… ça fait comme un ponton. Cachée dans un coin de palmier, une vieille femme, figure étrange, sorte de Befana della
piazza, s’escrime à dessiner les formes des troncs des fameux magnolias séculaires. Elle rature, gomme, lève le crayon, c’est dur, si coriace, si
rugueux, si proche et si lointain… au jardin des époux, ce vieil arbre, tout vouté, tout ridé, un arbre en miroir sur lequel sa main parcourt en tremblant les lignes de sa jeunesse.
Albero e matrimonio Piazza Marina