Rendez vous avec John Sinclair…
Dans la série des aventures en Ecosse avec les copains lyonnais venus me voir en avril…
Une première visite en journée a déjà eu lieu dés le lendemain de leur arrivée à Wick : Ackergill et Girnigoe
dans la foulée, avec le récit des histoires attachées à l’un et à l’autre des châteaux, et puis une ascension à la corde à nœuds dans la salle située à l’étage (car il y avait une corde à nœuds
qui pendait à même le rempart et qui ajoutait à la dimension sinistre de l’endroit !) puis un thé, un feu de tourbe à Bételgeuse pour se réchauffer, un peu de Run Rig et de Mike Oldfield et
la promesse de revenir sur les lieux, mais la nuit, afin de traquer le fantôme !...
Il est 22 heures, nous avons avalé nos pâtes, la nuit est épaisse. Coup de téléphone à un taxi (Frédérique souffre
de la cheville et ne se sent pas capable de marcher jusque là-bas). « 25 Glamis Road please !... six people. »
C’est une voiture noire qui glisse devant Bételgeuse, une sorte de véhicule lunaire, à moins que nous ne soyons déjà
tous dans la lune !
Les cinq autres s’entassent à l’arrière et je monte à l’avant pour indiquer la destination : « Girnigoe
Castle ». Est-ce le mot, la chose, la nuit, l’excitation qui crée l’effet ? J’ai une voix curieusement sépulcrale quand je dis ça ! En tout cas, c’est réussi, les autres
pouffent dans mon dos ! Sans commentaire, le chauffeur s’exécute. Nous roulons sous la nuit sans étoiles.
Le taxi se gare à côté du terre-plein par lequel on accède au sentier qui mène à Girnigoe. « Five pounds
please ! » et le chauffeur se dérobe. Plus de bruit que la rumeur de la mer. Pascal et moi soutenons Frédérique, et nous avançons dans la lande, pas rassurés tout de même !
Girnigoe la nuit est le repère des goélands. Nous en réveillons un qui s’envole sous notre nez et pousse un cri
agressif. Les oiseaux d’Hitchcock ! Ou la réincarnation des êtres en souffrance qu’on appelle des « fantômes » ? Ses ailes sont blanches. Le coup d’ailes claque dans l’air
comme un drap. Cette affinité des spectres et des oiseaux de nuit, nous la retrouvons dans un échange entre Diana et Lou à la scène 10 de l’acte 2 :
« Lou : Vous êtes des sorcières hystériques ! Moi, je suis une sorcière raisonnable ! (Méprisante) Vous finissez par prendre la grosse tête à monter
sur vos grands chevaux, à courir la lande, à rôder sur les rivages, à traîner dans le sillage des mouettes !
Diana : Et toi, tu ressembles à un vieux spectre ! Tu hantes les cimetières et les ruines, tu t’assois sur les tombes et tu fais la conversation aux
corbeaux ! »
Le cachot est l’endroit névralgique de Girnigoe castle. Toute la tragédie s’est nouée là. C’est là que John Sinclair
a agonisé dans les circonstances que relatent assez fidèlement la pièce et le récit. On y accède par le petit escalier au bas duquel on glisse sur le sol froid et humide dans une pénombre totale.
Nous avons une lampe de poche. Les marques « No Hope ! » sont effectivement gravées dans la pierre et alimentent la légende et les frissons... Le bruit tenace de la mer au bas du
château…La bouteille que l’on confie au flot… Acte rituel désespéré que nous accomplissons, moment d’émotion terrible sur lequel je reviendrai demain…
Nous tremblons de larmes, de froid ou de fatigue. Frédérique. Véronique. Pascal, Paskal, Pascale… (Ces variations
sur le même nom ont beaucoup amusé les Ecossais qui ont trouvé des surnoms plus commodes : Big Pascal », parce qu’il est grand, « red Paskal », parce qu’il porte un pantalon
rouge et « girl Pascale »…
Red Paskal est le plaisantin de la bande, il cherche à ramener le rire. Il hasarde une blague. Il en a toujours en
réserve dans la besace… On s’écarte du bâtiment. On fait des mouvements pour se réchauffer. Pas réjouissant finalement de passer la nuit là ! Il y a du vent qui pénètre sous les anoraks. Un
souffle glacé et pas de lumière, pas de feu. Une petite bruine glacée commence à tomber. John Sinclair ne viendra pas ! C’est presque tant mieux ! Quand on frémit, on gémit plus
facilement, surtout quand ça devient un jeu de substitution !
Je suis déçu tout de même, mais qu’espérais-je ? Frédérique, peut être la plus impressionnable avertit le
groupe : elle a beaucoup moins mal à la cheville. Une heure de marche à pied, ça peut se faire, surtout si on suit une route goudronnée, et si les lumières de la ville nous y convient !