En famille, nous avons marché sur la piste du Grand cerf jusqu’au coucher du soleil et j’ai appris à Nolwenn des vieux airs écossais. Regarder au loin, plus avant. Suivre les
formes des nuages dans le ciel. Retrouver les empreintes sur le sentier. Ramasser des blocs de tourbe pour le feu de cheminée. Nous nous sommes tous les quatre allongés sur la
bruyère près du ruisseau. Dans l’air transparent, les nuages se dispersent. C’est beau la lande quand le soir vient.
Je suis reparti samedi matin à travers le sentier qui pénètre dans la forêt, de l’autre côté du ruisseau :
« Druim a Crachernie », d’après la carte d’état-major suspendue sur le mur de la cuisine au cottage. C’est une voie forestière sans issue. Le vent est fort et vient du
Nord. À peine 7°. Les sapins ne protègent. Je m’arrête au bout de l’allée. M’allonge sur le tapis de bruyère. Plus un poil de vent dans le creux des arbres et dans ce théâtre de verdure. Je crie
mon texte du spectacle à la joue de la lande : le gaélique lui va bien :
Chi mi’n tir son robh mi nam bhalach. Is toigh leam a bhith à dol dhon mhonach ans an’Alba, ann’s a mhadainn. Agus is leam a bhith a coiseacdh faisg air a cnoc, agus an allt. Agus a
griadnach, cola ris deoch uisce. Ha mi a’smoniaradh gum bi grianach nam phocaid a huile bha.
Nous partons pour Girnigoe dés mon retour puis Bucholie et
John o’Groats et les Stacks of Duncansbay. Probablement…
« Are you a monk, Eric, always going around your Highlands and never looking for a girl
friend !”
C’était la phrase que me disait sur le ton de l’humour le fameux Sandro que j’ai déjà évoqué dans ce blog. Il s’enfonçait dans son siège, s’allumait une espèce de cigarette,
fermait les yeux, et, clairvoyant, envieux peut-être, ajoutait : « Or perharps, Scotland is your mistress ! »
Ce qu’en termes plus démesurés, Sinclair proclame quand il s’écrie dans l’acte 2 du Ceilidh :
« Je resterai donc le maître absolu du nord de l’Ecosse. Mon domaine s’étend désormais au nord jusqu’aux îles Orcades, au sud jusqu’à Inverness! J’ai soumis
toutes les contrées du Sutherland. La montagne, la bruyère, les petits lochs au fond des glens, les villes, les villages, les jolies filles qui s’y promènent le
soir, tout m’appartient ! »
Et son fils Georges, le frustré, renchérit un peu plus tard, dans un monologue où il tombe le masque :
« Patience ! Patience ! Il faut continuer de tricher ! Il n’est pas inébranlable ! Un jour, je lui succéderai et je serai roi de toute l’Ecosse ! Mon royaume
s’étendra encore bien plus loin que le sien ! Par ruse, je gouvernerai l’ensemble des Highlands, d’Inverness à Ullapool, des îles d’Iona aux îles
d’Arran, des Iles Hébrides aux frontières de l’Angleterre. Et je séduirai une princesse étrangère pour étendre encore mon royaume !... »
On voit ainsi comment, en aval, le jeu des filiations entre les personnages, leurs passions, leurs
liens héréditaires rejoint, beaucoup plus en amont, la géographie intime de l’auteur…
On we go, to the magic land...