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Sorcières du Caithness : répétition du 10.05

Publié le par Eric Bertrand

J’interromps a nouveau le bilan du voyage en Caithness pour la traditionnelle synthèse de répétition du mercredi. (Il y aura d’autres interruptions car, vu les circonstances, le travail de préparation se densifie !)
              Nous arrivons à trois semaines de la représentation. Je perçois dans les yeux des comédiens une inquiétude nouvelle, celle qui précède « la curée », ce moment où ils vont devoir livrer au public « enragé » (je pense aux lycéens), cette part intime de leur travail qui se nourrit de leur chair et de leur esprit. Julie a perdu la voix, mais elle assiste à la répétition qui va porter sur la fin de la pièce.
              Milieu de l’acte deux et épilogue, afin de combler les lacunes. Fragments de texte oubliés, extraits à mieux souligner par le jeu des personnages. C’est à nouveau un travail en profondeur qui passe par une lecture attentive des moments de scène et des postures à adopter.
Prenons exemple sur la scène huit : les sorcières apparaissent dans la tour où Fiona se lamente. Elle n’a pas fini son discours que les trois « sœurs de l’enfer » se pointent sournoisement, pendant la rêverie amoureuse de leur victime :
 
« Oh, John ! Je voudrais tant courir avec toi dans l’herbe jusqu'à la petite plage au bas de Girnigoe… Je voudrais tant, comme par le passé, étreindre ta main et courir à perte d’haleine dans la lande, escalader les rochers et nous cacher pour faire crier les mouettes et les commères ! »
 
             Dés qu’elle les voit, Fiona pousse un cri. Les sorcières la bousculent et jettent à terre. Elles sont, à leur habitude dans le registre burlesque :
 
« Lou : Mais tu n’es plus qu’un petit rat dans sa cage ! Le rat du Master of Caithness !
Suzy : Souris blanche dans une cage rouillée, tu as perdu ton mulot et grignoté tout ton pain blanc !
Diana : C’est bien fait ! Comme tu nous agaçais !
Suzy : Comme vous nous agaciez !
Lou : Toujours à vous lisser les moustaches !
Suzy : Toujours à vous frotter le museau !
Diana : A courir trotte-menu dans tous les coins !
Suzy : A chercher à croquer dans le gruyère !
Lou : Mais prends garde ! Il y a quelque chose de pourri dans ton gruyère, princesse ! Et tu vas tomber de haut ! (Elles ont quitté le ton du commérage et se dressent, menaçantes)
Diana : Et tu vas t’étaler tout en bas du château !
Suzy : Un toast ! Plus rien qu’un toast en robe blanche !
Diana : Et ça fait un grand trou dans le gruyère !
Lou : Et hop, ta petite âme monte au ciel en fumet de raclette ! »
 
              Il s’agit en effet d’annoncer le suicide à travers la métaphore filée du fromage qui se transforme en toast puis en fumée de raclette. Dans un second temps, au-delà du rire sarcastique, les sorcières donnent accès au frisson du surnaturel… Si le spectateur rit de bon cœur quand il les voit se démener, il ne doit pas oublier qu’elles sont les terribles agents du Destin, et qu’elles incarnent cette force sourde présente dans toutes les tragédies. C’est Suzy qui développe cet aspect quand elle dit :
 
« Suzy : Déjà tu changes de tenue, déjà tu rentres dans la légende et deviens « la Green Lady d’Ackergill Tower »
 
              A ce moment, je lui demande de mieux porter sa voix et son geste pour accompagner la vision du spectateur et mieux rendre compte de la métamorphose de la femme en green lady (et non plus en toast !). Le texte aide à ce déploiement mystique notamment par la répétition du modèle syntaxique.
 

HPIM0799.JPG

Girnigoe from Ackergill Tower...

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