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Des récits et nouvelles et l'île de Ré au centre !

Publié le par Eric Bertrand

Il vient de paraître chez Morvenn Editions, "ma Ré haute, ma Ré basse", l'occasion de redécouvrir le charme infini de Ré à travers chacune de ces particularités qui font à la fois sa beauté et sa spécificité. Une plongée dans les sensations rhétaises à travers des personnages d'âges variés et d'époques différentes...

http://ericbertrand-auteur.net/ma-r%C3%A9-haute-basse.htm

Des récits et nouvelles et l'île de Ré au centre !

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J’écris ton nom… Hommage à Samuel Paty

Publié le par Eric Bertrand

C’est un matin banal dans un établissement sans histoire.

C’est l’aube. Le soleil à peine levé te donne des envies de campagne. Tu franchis le portail en fer. Il te reste une partie importante du programme à boucler avant le début des vacances, des graines essentielles à semer dans ces esprits juvéniles et fertiles capables derrière toi de retourner la terre en cinq minutes ou de la disperser et de se la jeter au visage... Ton métier est un labour et tu descends souvent du tracteur pour les remettre dans le bon sillon…

Tu enfiles le masque, tu plaisantes avec les collègues. Quel que soit le champ disciplinaire, ils ont eux aussi déjà retroussé les manches. Tu entres en salle, les élèves sont installés. Ils ont eux aussi enfilé les masques, mais pas toujours en haut du nez. Ils ont les yeux fatigués, mais les langues déjà déliées. Ils ouvrent les cahiers. Sous ta dictée, ils ont écrit de belles choses. Tu leur demandes de les relire pendant que tu fais l’appel.

« Deux d’entre vous vont prendre la parole devant la classe. Je vous rappelle la consigne : reformulez avec des mots à vous la notion de « Liberté d’expression » en vous appuyant sur le poème de Paul Éluard lu hier, à la fin du cours ».

Une fille un peu timide commence. Le regard en-dessous, elle avoue que sa mère l’a aidée. Elle craint le reproche du professeur, le regard des autres. L’anxiété fait vibrer sa voix : « Sur les murs gris du collège, sur les trottoirs menaçants de la rue, sur l’écorchure cicatrisée de la Haine, sur le ballon crevé de la Bêtise, j’écris ton nom : LIBERTÉ ». La classe applaudit. C’est le rituel. Et tu la félicites. Tu lui promets même de revenir sur les mots qu’elle a choisis.

Tu interroges un garçon qui lève le doigt. Ses mains tremblent. « Monsieur, j’ai fait le travail et j’en ai parlé à table avec mes parents. C’était super : pour une fois, mon père n’a pas allumé la télé pendant tout le repas. » Deux lascars rigolent bêtement. Il les fusille du regard, se lève, demande s’il peut venir au tableau. Tu salues son panache et lui laisses le champ libre. Tu t’effaces. Tu vas t’asseoir à sa place pour mieux l’écouter. Tu prends des notes sur ta feuille.

Il est là, debout, dégingandé, main toujours nerveuse dans la poche. Il se dandine d’une jambe sur l’autre face à ce silence inattendu, silence miraculeux dans une classe où, en général, ça bouge… Il lance son titre. « Libre expression poétique ». Répète, comme s’il voulait le donner à mâcher aux petits fauves du fond de la salle : « Libre expression poétique ». Sa voix tremble un peu. Il lève les yeux de son cahier. Tergiverse. À la première table, il y a la petite nouvelle dont il est amoureux et qui guette avec de l’impatience et des yeux de biche ce lion qui sort du bois. Il connaît le texte par cœur. « Monsieur, je peux poser mon cahier… Mon poème, je m’en souviendrai toute ma vie »… Il respire profondément. La voix monte, forte et belle.

« Sur le poignard hideux de l’assassin, sur sa rage et sa férocité, j’écris ton nom… Sur le grand Livre des religions, sur les portraits de ceux que j’aime ou que je n’aime pas, sur tous les dessins et toutes les caricatures, sur les valeurs auxquelles je crois, sur la parole de mon professeur, j’écris ton nom, LIBERTÉ  D’EXPRESSION »

 

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Le bilan de plusieurs années de théâtre en Bretagne

Publié le par Eric Bertrand

Un moment de retrouvailles avec quelques membres de l'ancienne troupe...

 

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Prochainement, l'île de Ré en 23 nouvelles et récits !

Publié le par Eric Bertrand

Pour ceux qui aiment l'Ile de Ré, un petit aperçu du contenu de "Ma Ré haute, ma Ré basse"... Cliquez sur le lien et découvrez la table des matières.
Vous pouvez obtenir votre exemplaire en le pré-commandant, adressez-vous directement à moi, vous serez les premiers servis !
 

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Les sombres dimanches

Publié le par Eric Bertrand

« Sombre dimanche ! »… C’est ce que marmonnait ma grand-mère tout au long de ces journées dominicales où, ne trouvant pas de raison de sortir de chez elle pour aller en ville « voir les magasins » – à cette époque où ils étaient fermés – ou pour « faire des courses », elle ne se peignait même pas les ongles en rouge et n’ouvrait pas le précieux flacon de vernis, annonciateur d’yeux maquillés et de hauts-talons.

J’étais petit et je l’entendais ruminer tandis qu’elle traînait ses chaussons sur le lino de l’appartement situé au quatrième étage d’un immeuble vétuste. « Sombre dimanche ! »… Dans la famille, on disait qu’elle ne l’avait pas inventée, cette expression, et qu’elle figurait probablement dans sa mémoire aux côtés des autres formules toute faites empruntées à des films, à des livres ou à des chansons et qu’elle répétait aussi, au gré des circonstances, en prenant des airs de tragédienne le doigt levé, ou remuant des hanches : « à l’ombre des grands saules », « y’a d’la joie », « non, je ne regrette rien ! », « le bonheur ne passe qu’une fois », « vous oubliez votre cheval »…

Et bien des années plus tard, en feuilletant hier un livre sur Gainsbourg, je découvre que, dans son dernier album, ce sampleur de génie, capable d’adapter à sa guise des mélodies de Chopin, de Brahms ou autres Dvorak est allé chercher une vieille chanson de Damia intitulée : « Sombre dimanche » et qu’il en a fait « Gloomy Sunday ». J’écoute aussitôt Damia à la voix de qui je ne suis pas habitué et j’entends la voix de ma grand-mère, je vois le poste de radio dans la cuisine, les photos d’Ava Gardner découpées dans les magazines, le bruit  des hauts-talons sur l’escalier en bois qui descendait dans la cour intérieure, l’odeur vague du vernis à ongles dans la salle à manger au-dessus de la table sur laquelle elle posait son miroir ovale... Et je découvre aussi ces germes gainsbouriens que, sans le savoir, cinquante ans plus tôt, elle a semés en moi.

À quelques écarts près, c’est le même texte et la même musique. Serge l’a simplement « arrangé » en ajoutant des sons et des mots bien à lui : « et je suis resté tout seul comme un con, pauvre conne et j’ai pleuré tout bas en écoutant gueuler la plainte des frimas »… « Je crèverai un sunday »…

J’avais toujours cru que, se sentant plus fragile, Gainsbourg avait écrit cette chanson un soir de spleen, comme un texte prémonitoire anticipant sur ce sinistre jour de février où il nous a quittés.  Et j’imaginais la scène au 5 de la rue de Verneuil, un peu baudelairienne, façon « Mort des amants », où « les cierges brûleront comme un ardent espoir »…

Mais depuis hier, cette chanson jette un double feu dans ma mémoire.

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