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Le goût de la tourbe

Publié le par Eric Bertrand

Je m’adresse non plus aux buveurs de whisky mais à ceux qui ont peut-être vécu l’expérience de la grande solitude dans les Highland d’Écosse, ceux qui ont ressenti l’appel du « Wild », jusqu’au fond des crocs et du pelage…

C’est une petite route en terre ou vaguement goudronnée.

Des cailloux sur les collines, des cairns et des standings stones érigent des silhouettes rudes et d’un autre âge. Sur les bordures, des pierres grises et des croft houses glacées tracent dans le ciel les lignes tragiques des Highland clearances.

La mer est leur miroir et le vent en tourbillon creuse et nuance les teintes du blanc, du noir et du gris. Dans les champs, derrière les murets figés, les tas de tourbe composent des pyramides dont les hiéroglyphes se lisent dans le ciel et les fumées fugitives. Ils arrivent de la cheminée, du dessus d’un toit de ferme égarée quelque part au fond de la lande et, dans un coin d’écharpe et d’ambre, ils parlent des brumes, des laines et des modes qui se perdent.

Le goût est sucré, volatile. Il passe dans la bourrasque à la façon d’une note de musique ou d’une caresse fraiche. Il laisse une couche de miel ou de fudge dans le cœur, une impression ouatée, presque humide qui met les sens au contact du sol profond.

Il libère cette part des anges qui transporte l’âme vers des temps très anciens.

Le goût de la tourbe

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Plongée en littérature avec ou sans le masque

Publié le par Eric Bertrand

Quand commence un cours sur Rimbaud ou sur Jack London, ils portent tous des masques mais refusent de plonger dans ces récifs de Littérature de haute mer.

Ils pataugent et respirent mal, écartent un coin de leurs masques sans tubas.

Alors ils lisent le texte à voix haute, mais ils ne trouvent pas l'oxygène. La voix est épaisse et chaque mot pèse lourd. On a forcé leur corps à plonger dans l'étrange aquarium du langage.

Sur les parois de verre du bocal, s'agitent de drôles d'algues figées. On voit des yeux affolés qui promènent vaguement des antennes.

La pleine mer, les bateaux ivres, la profondeur du ciel, ça ne se creuse que dans les vagues. La découpe des coraux, les millions d'oiseaux d'or, les lames où s'embrasent les voyelles, ça ne se lève et ne s'aiguise que dans le feu.

 

 

Plongée en littérature avec ou sans le masque

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Voyage dans un verre de whisky

Publié le par Eric Bertrand

Depuis qu'on a visité une distillerie, ou qu'on a été initié par un hôte écossais un peu poète, un peu gastronome, ou qu'on a spontanément "senti" le rituel en portant à ses lèvres un verre de whisky, on a pris l'habitude de bien "flairer" le breuvage, d'en décrypter l'alphabet gustatif, d'en savourer les nuances... Ondulations mauves des collines tourbées, teintes de bruyère, éclats bleus des lochs, vieilles barriques en fût de chêne, oiseaux d'or et d'acier sous le bouclier du soleil, réminiscences diverses...

Penser à l'Ecosse en ce moment, c'est comme se servir un verre de whisky pure malt... Mais combien faudra-t-il encore remplir de doses avant de pouvoir préparer enfin ses valises et de rêver à jeun ?

Voyage dans un verre de whisky

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L'utopie de l'Ile d'Après

Publié le par Eric Bertrand

L'utopie de l'Ile d'Après

Disponible dès à présent chez l'éditeur ou Rakuten ou Amazon au tarif de cinq euros... Deux versions différentes de cette utopie de "l'Ile d'Après" afin de s'interroger sur notre époque et sur la drôle de période que nous traversons.

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Splendeurs mayas et fins des mondes (éditions la Roche de Muzon) Dans le tamis de Francis Lepioufle

Publié le par Eric Bertrand

Lorsqu’il part et qu’il se perd dans des espaces lointains, Francis Lepioufle est toujours un brin aventurier et porte, à sa façon, la plume au chapeau. Et, pour le plaisir du lecteur avide de connaissances et de sensations inédites, cette plume a toujours maille à partir avec la langue, la culture locale, la cuisine traditionnelle, l’habitant, l’Histoire et, sans mauvais jeu de mots, le Maya. Car il s’agit cette année de plonger au cœur du Mexique et de cette terre ancienne et majestueuse qui l’a, avec son épouse, depuis longtemps fasciné même si, inévitablement, la civilisation moderne l’a écrasée et presque pilée au fond de sa grande casserole, jusqu’à n’en laisser que « la fin d’un monde ».  D’où ce titre qui oscille entre deux bords : « Splendeurs mayas et fins des mondes ».

Que ce soit au Mexique ou ailleurs, le lecteur le sait très bien, tout voyage entrepris cette année 2020 a été forcément bousculé, voire rattrapé par la pandémie. Et dans l’ivraie de ce récit de voyage, le bon grain est forcément tourmenté par la réalité galopante du virus qui circule entre les lignes des 245 pages et les centaines de kilomètres parcourus. Il vient modifier les itinéraires, moduler les réflexions, exciter le style, crisper le sourire de l’habitant, changer l’inflexion de sa voix, jeter dans son regard un voile d’inquiétude.

Cet obstacle au contact franc et spontané si cher à l’auteur surprend l’enquête et le séjour mais, à défaut de les suspendre, ajoute au récit une véritable dramaturgie. Au fil des pages, menace sanitaire et menace de confinement viennent s’ajouter aux autres menaces propres à ce pays. Car, c’est un fait qui s’impose aussi au lecteur, au Mexique, choisir de voyager hors circuit organisé c’est accepter de prendre des risques.

Mais la plume facétieuse de Francis Lepioufle semble tout ignorer.

Elle est d’abord là, dans son sac à dos et sur son carnet de bord. Dans les bus, les taxis, les chambres d’un soir. Sur les sentiers, dans les rues, à travers les quartiers plus ou moins mal famés. Elle ne recule devant rien. Elle voltige. Pourvu qu’elle y trouve matière à humanité, matière à philosophie et matière à secret. Matière à distance et à humour aussi.

Pourvu qu’elle remplisse la tâche qu’elle s’est assignée.

« Sillonner le pays, de Mexico jusqu’au Yucatan, à la découverte des traces des splendeurs aztèques et mayas, des empreintes espagnoles de Cortès et des Indiens autochtones du présent » comme l’indique la quatrième de couverture. Diderot, cité en exergue du livre, l’avait bien dit en son lointain XVIII° siècle : « Tout s’anéantit, tout périt, tout passe : il n’y a que le monde qui reste, il y a que le temps qui dure. »

Et rien n’anéantit la plume.

Au fil des paysages, des villes et des villages. Elle passe. Derrière les vitres des bus, de jour comme de nuit, elle se soulève, elle frémit. Et comme si les mots ne lui suffisaient pas pour pailleter la page blanche, les photos en couleurs la relaient, étapes après étapes. Paysages, vues d’ensemble, détails, statues, objets d’art, visages, rues, salles de musées, dessins, peintures,  plats typiques se succèdent et aident le lecteur à se représenter chaque lieu, chaque scène. 

Rien n’échappe à l’œil en éveil du chercheur d’or qui tient comme un tamis son carnet de bord du 5 février au 21 mars 2020 et qui laisse s’amonceler, au fond de son escarcelle, d’autres particules précieuses : celles qui le renvoient à sa Bretagne, à sa formation de chercheur et à son goût de l’échange avec les autres hommes.

 

Splendeurs mayas et fins des mondes (éditions la Roche de Muzon) Dans le tamis de Francis Lepioufle

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