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Un avis sur "Over the Rimbaud"

Publié le par Eric Bertrand

Je remercie François Duplantier, connaisseur de Rimbaud et auteur d'un ouvrage que je vais lire prochainement "Et Arthur quitta le train jaune de 5h48", pour son avis qui invite aussi à considérer le personnage que j'ai inventé pour "raconter" Rimbaud : Jeanne-Marie...

"Vous avez eu l’idée très originale et très intéressante de raconter l’histoire de Rimbaud à travers le prisme personnel d’une jeune femme qui l’a "connu" jeune adolescent et qui le suit par la pensée ensuite, avec quelques rares nouvelles rencontres disséminées jusqu’à son départ vers la corne de l’Afrique. Cette Jeanne-Marie reste en relation avec Isabelle Rimbaud et nous avons deux regards féminins différents, tout à fait antagonistes sur « l’homme aux semelles de vent ». Le journal d’une amoureuse qui raconte un autre Rimbaud, entreprenant, décidé, bavard, précipité, fulgurant, une femme qui « ne comprend pas tout » ce qu’il écrit… « J’ai bien compris que l’essentiel de ma vie consisterait à poursuivre en rêve le seul homme qui me semble digne d’intérêt » écrit-elle ! Et « je t’ai avoué que je m’étais mariée, mais que cela ne changeait rien et que je gardais toute mon indépendance ». Elle tutoie Arthur dans son journal…lui parle… jusqu’à mettre en péril son propre couple. Mais, dit-elle, « d’après moi une femme doit conduire sa vie comme une aventure et ne jamais accepter de se soumettre ni de se ranger ». Et Arthur qui lui dit, en septembre 79 : « L’amour c’est comme la poésie, j’en ai fait le tour, Basta ! Je cherche autre chose » Et cette réponse : « Je ne suis pas la sage épouse qu’on voudrait faire de moi, assise sur son fauteuil à bascule… je ne veux pas d’un amour domestique, plein de faux plis et de coutures…tu es un séduisant passant que je continue d‘aimer… » C’est captivant de voir comment Jeanne Marie, sans doute au contact d’Arthur, s’émancipe du modèle classique de la femme / épouse du 19° siècle. Une suffragette, une féministe, avant l’heure ! Et elle parle à votre place, bien sûr. Nous avons un regard très nouveau, admiratif, auscultant Arthur Rimbaud de l’extérieur, hors normes et c’est passionnant, dans une belle écriture légère, vive, alerte, souple, très nerveuse et très agréable. Bravo !"

Un avis sur "Over the Rimbaud"

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Dosette de lecture n°111 : Jean-Paul Dubois : Une Vie française. À chaque tournant un tourment

Publié le par Eric Bertrand

Comment raconter une vie en croisant, au fil de quelques décennies, le destin individuel d’un personnage et l’actualité en France ? L’histoire de Paul Blick, le narrateur, commence sous De Gaule et se continue au fil des présidences, celle de Pompidou, de Giscard, de Mitterrand, de Chirac…

Enfant marqué par le décès de son grand frère, adolescent tourmenté, exempté de l’armée dans des conditions bien particulières, étudiant en sociologie, adulte sans emploi au grand dam de son épouse (Anna, chef d’entreprise et farouche adepte d’Adam Smith et de la loi du marché), papa poule, photographe à ses heures, le narrateur vit l’Histoire à sa façon, et pose un regard à la fois amusant et désabusé sur les événements : « Chaque jour apportait sa livraison de fiente fraîche : corruption, prévarication, abus de biens sociaux, détournements, mises en examen, racisme, pauvreté, mépris, chômage. »

Évoquer ses errances, c’est « sombrer dans une bouteille d’encre ». Paul Blick est un contemplatif caustique qui parvient un jour, comme par miracle, à gagner beaucoup d’argent en photographiant des arbres. Cela lui permet de voyager aux frais de son éditeur en quête des plus belles lumières sur les arbres du monde et d’acquérir suffisamment de notoriété pour être courtisé par le président Mitterrand. De multiplier aussi les aventures amoureuses de nature cocasse (le traitement de la sexualité et des « coups de braguette magique » est toujours abordé de façon humoristique sinon mélancolique). De tâcher, au bout du compte, de gratter dans une existence qui devient chaotique « à quelques mois du deuxième millénaire », « un squelette de bonheur débarrassé de l’embonpoint des hommes ».

 

Dosette de lecture n°111 : Jean-Paul Dubois : Une Vie française. À chaque tournant un tourment

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Dosette de lecture n°110 : Eric Vuillard, "L'Ordre du jour", les tours de passe passe sous le chapeau des dictateurs...

Publié le par Eric Bertrand

De quelle façon et au terme de quelles manipulations un bonimenteur comme Hitler a-t-il ouvert le gouffre et le vertige de sa « grande Allemagne » ? Quels acteurs puissants a-t-il mis au fond de sa poche afin de faire jouer les sinistres marionnettes de son Troisième Reich ?

Avec une méticuleuse attention et une grinçante ironie, Éric Vuillard choisit de relater quelques-uns des moments de la montée en puissance de l’inquiétant dictateur dont les méthodes rappellent étrangement celles de Poutine : mensonges, menaces, pièges, manipulations, trafic des images, désinformation…

On se souvient de la cauchemardesque colonne de chars russes déployés à proximité de Kiev au début de la tentative d’invasion de l’Ukraine, colonne de chars soudain figés dans une sorte de filet onirique aux allures ironico-tragiques... Le 12 mars 1938, la machine infernale est en marche et malgré la grotesque panne d’essence qui bloque la Panzer division aux portes de l’Autriche, rien ne semble cependant pouvoir l’arrêter.

Et pendant ce temps-là, dans un asile de fous, l’écrivain évoque le peintre Louis Soutter, devenu incapable de manier un pinceau à cause de son arthrose, « Il était peut-être en train de dessiner avec les doigts sur une nappe en papier une de ses danses obscures. Des pantins hideux et terribles s’agitent à l’horizon du monde où roule un soleil noir ».

Dosette de lecture n°110 : Eric Vuillard, "L'Ordre du jour", les tours de passe passe sous le chapeau des dictateurs...

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Dosette de lecture n°109 : Diderot : Jacques le fataliste. Et quand Jacques a dit…

Publié le par Eric Bertrand

Comment répondre à toutes les questions qui se posent à un esprit curieux, vif et en pleine effervescence ? Ces questions renvoient aux interrogations légitimes d’un philosophe des Lumières écrivant des articles dans l’Encyclopédie, mais elles pourraient aussi bien, sous une forme plus simple, sortir de la bouche d’un enfant…

Pour les résoudre ou tâcher d’y réfléchir, Diderot choisit la forme décousue d’un dialogue qui devrait aboutir à la révélation des amours de Jacques mais qui n’y arrive jamais véritablement. On a l’impression d’un En attendant Godot avant l’heure et on attend en vain ces confidences qu’on espère truculentes.

En avance sur son temps, Diderot brouille les fils de sa pensée en même temps que ceux de l’intrigue et son récit va à l’aventure et laisse au lecteur l’impression d’un aléatoire permanent. L’essentiel n’est pas là, et le narrateur interpelle directement son destinataire, usant ainsi d’une technique très moderne que n’auraient pas reniée les Calvino ou les Kundera. Ses personnages errent dans le mensonge du roman pour aller au-devant d’une vérité qui échappe. Et toute la narration fend la vague et avance sur « le grand rouleau » de l’existence humaine où, fragiles esquifs, nous ne faisons que « naviguer ».

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L’hippocampe dans les filets de la langue et de la simplification ?

Publié le par Eric Bertrand

L’hippocampe (du grec « hippos » et « kampos », cheval des océans) désigne non seulement un curieux petit poisson en forme de point d’interrogation mais aussi une partie du cerveau qui intervient dans le mécanisme de la mémoire. Grâce à son hippocampe, l’homme s’oriente dans l’espace et inscrit sans se tromper les mille et un parcours tortueux qu’il effectue jour après jour au fil de ses déambulations et de ses errances. Comme l’indique encore la belle orthographe étymologique, il se fie à son hippocampe, retrouve ses repères et « chevauche les océans ». Lancé à toute allure au milieu des courants qu’il a emmagasinés dans sa mémoire, il est même en mesure de plonger dans le passé et de remonter le temps.

Mais si le « cheval des océans », notre petit Pégase intérieur, se fait lui aussi prendre dans le filet de la réforme de l’orthographe et de la simplification de la langue, que lui restera-t-il de galop et de crinière ?  Le mors aux dents, sans panache et sans écume, le minable « ipocampe » sentira la morsure du joug : il marchera au petit trot sur le sentier rapide et escarpé de la facilité.

L’hippocampe dans les filets de la langue et de la simplification ?

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