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Dosette de lecture n°109 : Diderot : Jacques le fataliste. Et quand Jacques a dit…

Publié le par Eric Bertrand

Comment répondre à toutes les questions qui se posent à un esprit curieux, vif et en pleine effervescence ? Ces questions renvoient aux interrogations légitimes d’un philosophe des Lumières écrivant des articles dans l’Encyclopédie, mais elles pourraient aussi bien, sous une forme plus simple, sortir de la bouche d’un enfant…

Pour les résoudre ou tâcher d’y réfléchir, Diderot choisit la forme décousue d’un dialogue qui devrait aboutir à la révélation des amours de Jacques mais qui n’y arrive jamais véritablement. On a l’impression d’un En attendant Godot avant l’heure et on attend en vain ces confidences qu’on espère truculentes.

En avance sur son temps, Diderot brouille les fils de sa pensée en même temps que ceux de l’intrigue et son récit va à l’aventure et laisse au lecteur l’impression d’un aléatoire permanent. L’essentiel n’est pas là, et le narrateur interpelle directement son destinataire, usant ainsi d’une technique très moderne que n’auraient pas reniée les Calvino ou les Kundera. Ses personnages errent dans le mensonge du roman pour aller au-devant d’une vérité qui échappe. Et toute la narration fend la vague et avance sur « le grand rouleau » de l’existence humaine où, fragiles esquifs, nous ne faisons que « naviguer ».

Dosette de lecture n°109 : Diderot : Jacques le fataliste. Et quand Jacques a dit…

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L’hippocampe dans les filets de la langue et de la simplification ?

Publié le par Eric Bertrand

L’hippocampe (du grec « hippos » et « kampos », cheval des océans) désigne non seulement un curieux petit poisson en forme de point d’interrogation mais aussi une partie du cerveau qui intervient dans le mécanisme de la mémoire. Grâce à son hippocampe, l’homme s’oriente dans l’espace et inscrit sans se tromper les mille et un parcours tortueux qu’il effectue jour après jour au fil de ses déambulations et de ses errances. Comme l’indique encore la belle orthographe étymologique, il se fie à son hippocampe, retrouve ses repères et « chevauche les océans ». Lancé à toute allure au milieu des courants qu’il a emmagasinés dans sa mémoire, il est même en mesure de plonger dans le passé et de remonter le temps.

Mais si le « cheval des océans », notre petit Pégase intérieur, se fait lui aussi prendre dans le filet de la réforme de l’orthographe et de la simplification de la langue, que lui restera-t-il de galop et de crinière ?  Le mors aux dents, sans panache et sans écume, le minable « ipocampe » sentira la morsure du joug : il marchera au petit trot sur le sentier rapide et escarpé de la facilité.

L’hippocampe dans les filets de la langue et de la simplification ?

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Dosette de lecture n°108 : Jean-Baptiste Andréa, « Veiller sur elle ». Les yeux et les mains du sculpteur

Publié le par Eric Bertrand

        Quel charme inexplicable peut émaner d’une œuvre d’art au point de profondément troubler ceux qui en approchent ? Combien d’entre nous ont connu ce vacillement, cet effondrement du corps qu’on nomme « syndrome de Stendhal » ?

La Pietà de Mimo Vitaliani, héros du roman de Jean-Baptiste Andréa, est une sculpture qui produit ce bouleversement sur de nombreux fidèles, aussi est-elle retirée de la circulation par le Vatican. En effet, la grâce sensuelle qui émane de cette statue dérange l’institution religieuse d’autant que le sujet traité est en principe voué à l’édification, non à la séduction.

Mais derrière la « Marie » de La Pietà, il y a une femme amoureuse, une certaine Viola Orsini que le sculpteur a toujours tendrement aimée et qui continue de l’inspirer, même après la mort…

Dosette de lecture n°108 : Jean-Baptiste Andréa, « Veiller sur elle ». Les yeux et les mains du sculpteur

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Dosette de lecture n°107 : Sylvie Germain, « Magnus », Les métamorphoses d’un ours en peluche

Publié le par Eric Bertrand

Comment procéder pour remonter le temps et comprendre ce que les proches et la mémoire ont toujours tâché de masquer ? Le héros de ce roman est un enfant partiellement amnésique dont les parents, Théa et Clémens Dunkeltal, ont été engagés dans le nazisme, visages rayonnants et triomphateurs entretenant leur propre légende jusqu’au moment de la débâcle…

Commence alors le long travail de reconstruction de l’identité de l’enfant qui se rattache irrésistiblement à son ours en peluche Magnus. C’est aussi l’enquête opiniâtre et patiente que l’auteure mène en parallèle pour plonger au cœur de la barbarie et du cynisme du III° Reich : « D’un éclat de météorite, on peut extraire quelques menus secrets concernant l’état originel de l’univers, d’un fragment d’os, on peut déduire la structure et l’aspect d’un animal préhistorique, d’un fossile végétal, l’ancienne présence d’une flore luxuriante dans une région à présent désertique (…) Écrire, c'est descendre dans la fosse du souffleur pour apprendre à écouter la langue respirer là où elle se tait, entre les mots, autour des mots, parfois au cœur des mots. »

 

Dosette de lecture n°107 : Sylvie Germain, « Magnus », Les métamorphoses d’un ours en peluche

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Dosette de lecture n°106 : Philippe Labro, « Un été dans l’Ouest », La loi de la route

Publié le par Eric Bertrand

Quelle expérience ramène-t-on lorsqu’on part pendant tout un été dans l’Ouest des États-Unis ? Quels personnages et quelles leçons la route génère-t-elle ? Cette question, je me la suis posée dans mes deux récits américains : « La Route, la poussière, le sable » (1993, Aléas Éditions) puis « Taper la route » (2017, Morvenn Éditions) ; ainsi, je ne pouvais qu’adhérer au beau livre de Philippe Labro qui raconte son séjour dans le Colorado. À l’issue d’une année d’université passée dans l’Est, « Frenchy » s’est engagé pour exercer, parmi des hommes rudes et imprévisibles, l’activité de bûcheron.

Ces personnages n’ont plus rien à voir avec ceux qu’il a pu côtoyer du côté de New-York. Chacun à sa façon apprend au jeune lecteur de Jack London la dure loi du Wild. Mais pour entamer son « apprentissage » au cœur des forêts, le « pied-tendre » doit « taper la route » et se méfier des rencontres malvenues même s’il en sort ébloui (mais meurtri) après avoir croisé une jeune fille vagabonde, équipée d’une guitare et d’un sac à dos et dont il continue toujours de chanter la chanson : « Et toi qui as mis ta guitare sur ton dos et qui as dit adieu aux bureaux, aux écoles et aux villes et qui as balancé ton baluchon kaki sur tes maigres épaules et qui tapes l’asphalte, la poussière, la pluie, la nuit, le ciment, écoute un peu que l’énumère la loi qui souffle avec le vent, la loi de la route. »

 

Dosette de lecture n°106 : Philippe Labro, « Un été dans l’Ouest », La loi de la route

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