Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Quand s’ouvre la porte, 5 Bis rue de Verneuil …

Publié le par Eric Bertrand

La maison est restée longtemps silencieuse, jouant dans le silence avec les ombres de la nuit et les spectres tagués, balbutiant sur les façades des choses vagues à destination de celui qui habitait au 5Bis rue de Verneuil. Etait-ce Baudelaire ? Nabokov ? Lewis Carroll ? Lautréamont ? Des Esseintes ? « Un homme à tête de chou » ?

Vous avez longtemps erré, tergiversé devant les graffitis, les dessins, les bulles de BD aussi évanescentes que bulles de savon. Et puis un dandy vacillant, vêtu d’un jean, d’une veste militaire, « la nostalgie camarade », vous fait signe d’entrer. « Un crâne végétal », un cœur tendre écorché vif, « un faiseur de plaisantristes »…. Comme le petit lapin de Playboy, vous suivez les Repetto blanches qui tracent en ombres chinoises d’étranges oreilles sur le noir des murs à l’intérieur. « White and black blues » : c’est un antre où règnent encore la nuit, les rêves et les cauchemars, la couleur du café ou de l’anthracite … Mais ce noir se soulage de notes de lumière et de reliefs effleurés de touches de piano : Ravel, « Pavane pour une infante défunte ». Toute l’enfance de Serge…

« L’amour des feintes » est partout : dans les interstices et les trous de serrures où filtrent des voix d’enfants. Dans les volutes en suspens des mégots éteints. Dans les reflets des photos de Marilyn, de Bambou ou de BB : « Initials BB », « OK pour plus jamais », « Poupée de cire, poupée de son », « Baby alone in Babylone »... Dans le glissement furtif de la silhouette de Jane. Dans le cristal de sa voix sifflant sur la coupe du combiné en bakélite. Dans la mémoire figée de mille objets paperoles : « laissez parler les petits papiers », les mots de poèmes, les refrains des chansons et les « papillons noirs ».

« Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? » La voix qui vous guide maintenant promène obstinément ses cierges dans « les murs d’enceinte du labyrinthe ». Et ces cierges (Serge ?) continuent de brûler, « comme un ardent espoir » depuis le « gloomy Sunday » d’un sombre jour de mars, il y a trente-deux ans. Ce dimanche matin-là, j’étais dans ma voiture. C’était en Bretagne, dans la région des abers et je ne savais même pas que la maison de Jane était toute proche, parmi les goémons et « les algues brunes ou rouges qui dessous la vague bougent »…

  

Quand s’ouvre la porte,  5 Bis rue de Verneuil …
Commenter cet article