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voyage

Interview dans le cadre d'un salon virtuel :"Dévalisée", "Taper la route" et "Chambre 69"

Publié le par Eric Bertrand

Dans le cadre de la préparation d’un salon virtuel auquel je participe (et sur lequel je reviens prochainement), voici l’interview réalisée par Fabien Dedieu Cardebook à propos de trois de mes livres, « Dévalisée », « Taper la route » et « Chambre 69 »

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Au fil des promenades dans Rome

Publié le par Eric Bertrand

Rome est une ville qui, le matin, sent le café, le capuccino et le croissant aux amandes, du midi au soir la pizza et la pasta et toute la journée, le gaz d’échappement. D’ailleurs, les serveurs qui viennent jusque dans la rue vous inviter à rejoindre les attablés dès la fin de matinée, donnent l’impression que le feu de bois qui brille dans un coin de la pizzeria ne s’arrêtera jamais et que les voyageurs de l’espace sont aussi les voyageurs du Temps.

Quand on quitte le quartier du Trastevere et qu’on passe le Tibre, les voitures, les motos et les trottinettes rappellent cependant qu’il y a du danger à rester le nez en l’air pour regarder le haut des colonnes antiques et tenter de capter ces ondes du passé multiforme qui jaillissent de partout, du haut comme du bas, du ciel et de la terre ou de ce « bric à brac » pour parler comme Julien Gracq qui arpente la ville Éternelle avec un soupçon d’agacement.

C’est que le piéton ne trouve pas facilement sa place quand il se mêle aux automobiles : les Italiens roulent vite, ne consentent qu’exceptionnellement à freiner aux passages cloutés et gesticulent au volant, le portable à la main. Quant aux passages protégés, il faut piétiner longtemps avant que le feu ne passe au vert. Et attention à bien regarder à droite et à gauche quand vous traversez : on se sait jamais, l’interlocuteur au portable est lui aussi de tempérament sanguin et il lui arrive facilement de s’emballer de son côté, même si on ne le voit pas.

À combien de conversations téléphoniques animées ai-je pu assister par exemple dans le métro ? Mais là au moins, il n’y a aucun risque, sinon celui d’assister à une dispute, à une rupture, à une mise au point, à une mise en garde, à une leçon de drague ou à une série de propositions indécentes. L’acteur principal, qui tient le micro et les oreillettes de son souffleur (ou de sa souffleuse) est bien dans son rôle et reste prévisible, tandis que les stations défilent de Cinécittà à la Piazza del Popolo. Et si d’aventure, il passe du masque blafard au cramoisi, ou s’il descend à la station Termini ou à celle de Barberini, il continue de maîtriser parfaitement toutes les ficelles de l’art dramatique : tirades, répliques, stichomythies.

Le déplacement scénique joue aussi dans la prestation. J’ai suivi l’un d’eux dans l’un de ces profonds escalators qui plongent dans le sous-sol pompéien de Rome. Pour accentuer le rythme de son discours, le voilà qui prend la file de gauche et s’empresse de dépasser ceux qui profitent du mécanisme ascensionnel pour observer la foule ou se reposer les jambes. Mais l’acteur n’est plus seul. Cet escalator qu’il utilise comme un décor ou une machinerie, c’est le toboggan de Fellini. D’autant que sa partenaire a l’air de s’exciter à l’autre bout du fil et de ne rien lâcher.

Cette année, la mode est aux grandes bottes noires dans « la Cité des femmes » revue et corrigée par la pellicule du métro et la poussière des rues. Dans les yeux des spectateurs inertes, vautrés comme Rominagrobis, les regards glissent aussi vite que la bande passante qui sert de point d’appui aux énergies vacillantes des signori ou des matrones attifées pour le retour du travail. L’une d’elles avait un beau visage dont la cire avait un peu trop coulé et les deux lèvres jouaient là-dedans comme deux pinceaux humides qui essaient de rattraper le trait. En bas de ses jambes le jean dégoulinait en franges fines qui semblaient avoir trainé dans la boue du matin.

À Rome, on ne cesse de monter et de descendre, de passer d’une colline à l’autre, et dans ce contexte instable et frénétique, d’alterner le laid et le sublime, le vulgaire et le délicat, le profane et le sacré. Dans le paysage se succèdent plus de deux cents églises et basiliques, des colonnes de temples, des fontaines baroques, des figures légendaires émergeant dans les remous, des statues aux profils paisibles ou inquiétants… Tout cela donne l’impression, sans aucune transition, de voltiger d’une époque à une autre. « Allusions et alluvions »… On n’est pas loin du mirage et c’est surtout cela qui a gêné Julien Gracq : à Florence, à Venise, à Sienne, vous rentrez progressivement dans un siècle donné, tout y est « cadré ». À Rome au contraire, vous superposez, vous empilez, et vous ne savez plus où donner de la tête. Tant de siècles vous contemplent que les vestiges vous donnent le vertige. Au détour d’une rue, d’une avenue, c’est la boîte crânienne du Temps qui s’ouvre en grand format devant vous, boîte crânienne dans laquelle, à certaines heures du jour, on entrevoit des grappes de pèlerins.

En effet, ces fanatiques opiniâtres ne reculent devant rien, pas plus que les marchands du temple, qui chantent des airs de bel canto, jouent de la musique médiévale, mettent des disques pop ou s’habillent en gladiateurs et restent figés pendant des heures sous le casque et le maquillage. Il y a de la place pour toutes les salades dans le ventre gigantesque de Rome. Les nuages et les vents passent comme les discours et les chansons, et pendant ce temps-là, d’autres gladiateurs un peu distraits laissent parfois courir la laisse de leurs molosses ou de leurs caniches qui viennent pisser d’un air mélancolique, au pied des colonnes antiques. Quand ils ont terminé, ils secouent la gueule et ça fait un bruit de chaîne ou de vieux anneaux. Leurs maîtres ne les voient pas : en prière devant les temples d’Apollon ou d’Octavia, ou en position de combat dans une arène du Colysée, armés du portable qui brille comme un glaive, ils implorent la lumière et gesticulent tout le jour, sous le feu du soleil. Sous les arcades, la relève est toujours assurée.

Tout va très vite à Rome, le temps est un tapis roulant qui secoue les bases d’une Babel énorme. Et la vie romaine est une « branloire pérenne » pour reprendre l’expression du sage Montaigne qui avait quitté sa librairie et ses auteurs antiques pour venir à cheval jusque-là. À bord de cette « branloire », admirez une église ruisselante d’or et de richesse ou les statues et les peintures d’une collection privée dans un palazzo, des Velasquez, des Brueghel, des Caravage et tout d’un coup, sortez sous la pluie battante et la tempête. Accrochez au passage deux ou trois baleines de  parapluies, courez dans les petites rues taguées, graffitées et tatouées comme des ventres de reptiles, abritez-vous dans l’une des stations de métro qui vous ramèneront à votre domicile, à vos chaussons et à vos bigoudis mais tenez compte aussi des messages d’alerte donnés en boucle par les carabiniers qui jouent aux cartes dans leur triclinium ou qui patrouillent dans les wagons.

L’avertissement est sans concession. On ne les voit pas, ils sont petits, nerveux et se glissent dans tous les coins. Leurs parents les envoient en mission dans le métro. Ils n’ont aucun scrupule, vous arrachent le sac, dénichent le portefeuille dans la poche du vêtement, passent une main experte sous la jupe et ne trouvent pas forcément ce qu’ils cherchent. Mais la main est sale, et les doigts sont agiles. Ils repartent en courant. Vous n’avez rien vu. Ils volent dans l’escalator, sautent les barrières, galopent à l’air libre aussi vite que les chevaux échappés des bassins. Ils se perchent dans les coins noirs, pas si loin des grandes fontaines où naïades et tritons continuent leur païenne fête aquatique dans les clapotements affolés de l’eau.

Indifférents à la course des enfants aux torses nus, aux muscles luisants, qui arborent des visages de puppi ou de diavoli, les badauds encore épargnés continuent de défiler calmement devant la Fontaine de Navona, celle de la Barcaccia ou celle de Trevi.  Frustrés de ne pas chevaucher les imposantes statues ou de ne pas simplement aller se rafraîchir dans les eaux claires, certains d’entre eux ont revêtu des tenues excentriques et ils prennent des postures de Sirènes, de Neptune ou de Pygmalion, et ils affichent des sourires de cinéma ; dans le soir, on entend des éclaboussures, des coups de sifflet ou des voix qui vont se perdre dans le noir : « Marcello, vieni ! »

L’eau coule abondamment à Rome, même des robinets ouverts toute la journée et les guides confirment aux assoiffés ou aux porteurs de gourdes bariolées que c’est de l’eau potable. On y revient toujours à ces places, à ces coins d’eau qui décomposent et effritent une sorte de labyrinthe infini, de maillage où, dès le crépuscule (qui tombe vite dans le sud de l’Italie), la lumière électrique dore l’éclat de l’eau et ricoche sur les statues. Les grands monuments restent dressés, ils font partie du paysage urbain. Les voitures y circulent en klaxonnant, les pneus crissent, les bus foncent sur les rails du tramway.

Le grand ciel indifférent regarde ce qui se passe au-dessous, pose une coupole de plus à l’horizon des basiliques et les pèlerins continuent de prier, de courir ou de s’amuser sous le firmament de Rome.

 

Au fil des promenades dans Rome

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Autour des mystères d'Ecosse...

Publié le par Eric Bertrand

L'occasion aujourd'hui de revenir sur tout ce qui imprègne mes livres sur l'Ecosse, ruines hantées de souvenirs tragiques, fantômes, lutins, monstres, créatures surnaturelles ou issues de la tradition celtique, décor ossianique et surtout magie des lieux...

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Pour évoquer l'Ecosse et le travail de création

Publié le par Eric Bertrand

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Questionnement pour l'année à venir : "poissons morts"

Publié le par Eric Bertrand

« Poissons morts, qui descendez le cours des fleuves, poissons morts… »  

             Tu sortais à peine de la lecture de Saint-Exupéry : « On n’hérite pas la terre de nos ancêtres, ils nous la prêtent pour que nous la préparions à nos enfants » et des paroles du chef indien Sitting Bull citées dans un petit opuscule pour la jeunesse : « Quand ils auront coupé le dernier arbre, pollué le dernier ruisseau, pêché le dernier poisson, alors ils s’apercevront que l’argent ne se mange pas ». Tu n’avais pas encore lu Pierre Rhabi et les concepts de réchauffement climatique, de développement durable ou de préservation des richesses n’étaient pas encore formulés. On ne parlait pas encore de gaz de schiste, de pollution aux particules, d’effet de serre, de circulation alternée… Mais la conscience de la beauté des grands espaces s’éveillait. Ce n’était pas nouveau, et, plus d’un siècle plus tôt, déjà,  pour échapper à la pollution des villes, le poète Alfred de Vigny roulait « sa maison du berger ». « La distance et le temps sont vaincus. La science trace autour de la terre un chemin triste et droit. Le monde est rétréci par notre expérience et l'équateur n'est plus qu'un anneau trop étroit ».

             L’Amoco Cadiz qui causerait ta première indignation n’avait pas encore sombré. Tu portais des culottes courtes et, « bon petit diable, la jambe légère et l’œil polisson », tu jouais de la canne à pêche dans une petite rivière de Bourgogne. Un jour, Julien Clerc chante « poissons morts » et tu ne comprends pas tout… Mais ça te plaît, à cause de la musique et des poissons. C’est frais, enlevé, joyeux, comme l’air du temps. « Poissons morts, qui descendez le cours des fleuves, poissons morts… »  Il y avait toujours, là où tu plongeais l’hameçon, des truites et du goujon. Ton grand-père se mettait de la brillantine sur les cheveux ; ça les faisait briller. Il ressemblait aux images colorées des vieux salons de coiffure, à cette époque où les hommes avaient des airs de toréadors ou de chanteurs de rockabilly. Toi, tu n’avais pas droit à la brillantine. Produit réservé aux adultes ! Du haut de l’étagère, ça jetait des reflets verts, des reflets bleus... Mais, sitôt sorti du flacon, le liquide laissait des tâches dans l’eau du lavabo, un peu comme les flaques de pluie dans les stations service… « La graisse de mitrailleuse, n’est pas la brillantine des dieux ».

             « La pollution » s’étendait sournoisement sur la planète, les usines crachaient leurs fumées et leurs produits toxiques dans les rivières, les pétroliers malades vomissaient dans l’océan. Torrey Canyon, « cent vingt milles tonnes de pétrole brut », « Amoco Cadiz » « Vers où court l’humanité ? Mais quel monde allons-nous laisser ? Tant pis pour les côtes bretonnes et quelques oiseaux mazoutés ». « Je suis un pêcheur de Portsall et mes oiseaux crèvent tout sales »…. Tu avais vu l’adaptation au cinéma de « la Planète des Singes » avec Charlton Heston… L’image finale t’épouvantait. Johnny, sur l’air lancinant de la septième de Beethoven, récitait un texte de Philippe Labro : « Qui a couru sur cette plage ? Elle a dû être très belle. Est-ce que son sable était blanc ? Est-ce qu’il y avait des fleurs jaunes dans le creux de chaque dune ?... ça a vraiment existé ? ». Georges Moustaki évoquait au passé un jardin merveilleux : « Il y avait un jardin qui s’appelait la terre »…

Et en 2017, que reste-t-il du jardin et de la rivière ?

             Poissons morts qui descendez cette rivière allez donc dire à mon amour que je me perds en longs discours »…

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