Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

poesie

Sylvain Tesson : Avec les fées. Sous la bannière des fées... et de la poésie.

Publié le par Eric Bertrand

Puisque la nuit était tombée sur ce monde de machines et de banquiers, je me donnais trois mois pour essayer d’y voir. Je partais. Avec les fées. (Sylvain Tesson)

À quelles manigances les fées s’amusent-elles ? « La fée recule où l’homme progresse » écrit Tesson (à qui un sinistre comité refuse ces jours-ci le titre de poète…) La fée est comme la poésie, on va le voir.

Pour cette centième dosette de lecture, il me fallait un livre un peu particulier et qui fasse écho à mes territoires favoris. Et c’est bien dans les Highlands d’Écosse, que débouche le dernier livre de Sylvain Tesson, livre qui chemine tour à tour en Galicie, en Finistère, en Irlande, dans l'île de Skye, les îles Orcades, les îles Shetland, le long du Canal Calédonien, enfin dans l'île de Man avant son retour par Saint Malo… Quel appel ! Sa rêverie dure trois mois et l’amène, avec deux autres compagnons, de ce « bateau ivre » qui l’accompagne à ces « promontoires » où il marche pendant des heures et s’installe pour bivouaquer.

Se mettre en mouvement, guetter inlassablement, chercher le moment précieux, l’instant de « fine pointe » et surprendre la beauté, là où on ne l’attend pas. C’est cela, traquer les fées. « Dames qui tournoient sur les terrasses voisines de la mer » dirait Rimbaud, « dans le clair déluge qui sourd des prés », au pied des falaises où roule l’écume, sur le fil de soie du flot et les phosphorescences des profondeurs, à l’ombre des pierres dressées qui « montent la garde », sur les ailes d’une libellule à l’entrée d’une chapelle, dans des « sous-bois vert tendre », derrière des touffes d’asphodèle...

Le but de l’auteur de La Panthère des neiges est surtout de mener, comme un chevalier embarqué, une sorte de quête du Graal et de poursuivre, à la façon des romantiques au XIX° siècle (Hugo, Chateaubriand, Keats, Wordsworth et les autres), cette « lutte contre ce qui s’annonçait : le profit marchand, l’emprise technique, l’urbanisation grouillante, la folie de la foule. »

Et puisque le Graal échappe toujours, il va le disputer au vent, au flot, aux pétrels, aux fulmars, aux phoques brailleurs ; il escalade les stacks écossais, Old man of Hoy dans les Orcades, Mac Leod’s Maidens dans l’île de Skye ; devant la grotte de Fingal, il joue un air de flute au vieil Ossian, s’agenouille au pied des stèles et des épées à Iona, entrevoit le « wasserfall blond » dans les cascades de Rum et finit par tomber dans les bras et sous la chevelure rousse d’une créature « sortie d’un tableau de Rossetti » et rencontrée au retour des îles Shetland, sur le Canal Calédonien. « Au réveil, il était midi. »

N'est-ce pas cela, être un poète ?  

 

Sylvain Tesson : Avec les fées. Sous la bannière des fées... et de la poésie.

Voir les commentaires

Prochainement, suivez Rimbaud et ses "semelles de vent"...

Publié le par Eric Bertrand

Annoncé pour février prochain, chez Éditions Hello, ça y est, il a chaussé ses "semelles de vent"... Découvrez-en aujourd'hui la quatrième de couverture. A suivre...

Prochainement, suivez Rimbaud et ses "semelles de vent"...

Voir les commentaires

Fugue à Charleville (à partir du poème « Aube » d’Arthur Rimbaud)

Publié le par Eric Bertrand

Charleville (21) [1600x1200]

 

Le soleil ne s’était pas encore levé mais la tête bouillonnante de l’ivresse de la veille, il se réveilla. Le lampadaire de la rue jetait une lueur blafarde. Il ouvrit le portefeuille de son lit. La veille au soir, après avoir traîné dans les cabarets et vidé bien des bocks, il avait eu une discussion avec sa compagne du moment. Dix ans déjà qu’ils vivaient ensemble et qu’ils dissipaient leur vie et leur argent. Elle n’en pouvait plus de leurs débauches successives.

                Elle lui avait fait jurer qu’à l’issue d’une dernière nuit de débauche à Charleville, ils allaient changer de vie. Il l’emmènerait « dans un petit wagon rose »… Elle trouvait ça mignon comme idée. C’était de circonstance ! Elle avait lu ça dans Rimbaud. Oh, elle ne demandait pas grand-chose. Simplement un peu plus d’égards et de romance. Et il avait juré d’arrêter la boisson. Elle s’était endormie brutalement, ravie par cette idée, et le sommeil du ravissement l’écrasait encore.

                Sans faire de bruit, il enfila son maigre pantalon, sa chemise, ramassa la menue monnaie qui restait sur la table. Un bruit plat tomba au fond de ses poches. Il ouvrit la porte. L’air du matin le fit tituber. Il descendit à grands pas la rue qui mène à la Meuse.

                Une lueur commençait de pointer tout au bout des méandres de la rivière, quelque part dans le temps. Il avançait vite sur le sentier. La rumeur du beffroi s’étouffait. La ville s’évanouit. La campagne s’allongeait. Dans un tas de fougères fraiches, enfin il se laissa aller. L’aube d’été pouvait maintenant arriver. Il saurait bien l’embrasser, il en avait vu d’autres. Quand il se réveilla, il était midi. Il avait soif.

 

Charleville (8) [1600x1200]

 

Voir les commentaires

Bottines à Charleville (exercice à partir du poème « Roman » d’Arthur Rimbaud)

Publié le par Eric Bertrand

Charleville (9) [1600x1200]

 

 

 

 

Il était arrivé un soir dans la ville bien enrégimentée de Charleville, la ville de Rimbaud dont il n’avait jamais entendu parler. Comme il se lavait les mains dans la petite chambre qu’il avait louée non loin de la place Ducale, il entendit résonner la musique claire et disciplinée du beffroi. Il sortit sur la place et trouva que les filles étaient belles mais curieusement attifées en ce dimanche d’été. Des « habits puant la foire » pensa-t-il en filant le pas de l’une d’elles, presque machinalement. Le son de ses « petites bottines » faisait curieusement sauter le pavé et prolongeait bizarrement, presque lascivement, la mélodie du beffroi.

                La demoiselle était jeune, alerte, minaudant parce qu’elle se savait suivie. Elle arriva sur le bord de la Meuse, juste en face de la maison natale de Rimbaud. Depuis quelque temps, grâce à un « projet innovant » de la ville qui cherche à « récupérer intelligemment l’image du « passant considérable », une rangée de chaises métalliques composent une œuvre d’art un peu baroque. Sur chacune de ces chaises il put parcourir des vers qu’il ne connaissait pas. « Je me suis baigné dans le poème de la mer ». « C’est un trou de verdure où chante une rivière ». « Elle est retrouvée. Quoi ? L’éternité »… L’air absent lui donna une contenance de bon aloi. La jeune fille s’était arrêtée.

                Déjà son cœur palpitait. Endroit rêvé pour une approche ? Il avait l’habitude d’interpeler les filles et cette perspective ne l’affolait pas. Mais elle regardait en direction du pont. Quelqu’un arrivait. Elle lui fit signe aussitôt, tout en se « retournant alerte » vers le goujat qui avait osé la suivre jusque là.

                L’homme qui arrivait était grand, solide. Il portait un faux-col qui lui donnait un air effrayant. Sitôt qu’il l’eut rejointe, ils disparurent le long du quai. Il n’entendit plus que le trot de ses petites bottines lentement décomposé. Le beffroi sonna place Ducale. Il s’en retourna.

Charleville (18) [1600x1200]

Voir les commentaires

L’univers de l’ami Brassens

Publié le par Eric Bertrand

Highlands1 (86) [1600x1200]

                 Margoton, Marinette, Fernande, Hélène aux sabots, Pénélope, femme d’Hector, Cendrillon... Elles ont des charmes d’un autre âge les dames du temps jadis que chante Brassens. Comme sous les boules à neige qu’on vend aux touristes, elles se mettent à bouger dans les « flocons des neiges d’antan ».

               Pamphile, Nestor, Archibald, vieux Léon, brave Martin... Les hommes qui les courtisent appartiennent eux aussi à une catégorie à part de séducteurs. Ils se retroussent les manches et ils vont à la chasse aux papillons.

               Cupidon, grand Pan, Saturne, Vénus et Bacchus, ces dieux-là sont à chaque fois de la partie. Impossible de faire sans eux... Ces compères savent rigoler. Rigoler comme Villon, maître François et tous les « foutrement moyennâgeux » qui poursuivent les belles parmi les amandiers, les bancs publics, les bistrots, les chênes et les claires fontaines.

                Ils disputent leur place aux cocus, aux croque-notes, aux gros dégueulasses ou aux pandores. « Gare au gorille ! » Ils retroussent les nonnettes et les nonnains, les punaises de sacristies, les jeunes veuves et les filles à cent sous. Ils se font tout petits devant les jolies fleurs, et les poupées. Ils leur apprennent les ricochets, les marguerites et les filets à papillon. Ils réparent les paratonnerres, franchissent les ponts (« il suffit de trois petits bonds »), fument les bonnes vieilles pipes en bois et cueillent des baisers sous la treille ou sous le parapluie.

                 Ecouter Brassens, c’est se mettre sous le parapluie et entendre ruisseler toute la vieille langue qui nous vient de Villon, de Rabelais et de La Fontaine et qui traverse le temps ou le paradis, « on ne perd pas au change, pardi ! ».

 

Voir les commentaires

1 2 3 > >>