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bretagne

Tristan dans le maquis arthurien

Publié le par Eric Bertrand

Parmi tous ces noms qui émergent presque spontanément du « maquis » arthurien figure le nom de Tristan et de sa compagne Iseut. Tristan est originaire de Bretagne armoricaine et est venu au monde de sa mère Blanchefleur, veuve inconsolable de Rivalin. Son père est mort peu avant sa naissance et cette forte mélancolie est marquée dans ce nom qu’il prote comme une cicatrice. Tristan fait partie de ces hommes valeureux, désintéressés par la vie et capable de s’oublier par désespoir. Il a toutes les qualités du chevalier errant et cette sensibilité exarcerbée qui le met un jour au contact d’Iseut la Blonde, créature des terres d’Irlande. Tristan se rend en effet en Irlande pour se faire soigner, suite à l’affrontement de l’un des ces monstres dont la littérature arthurienne est friande. Iseut fait partie de ces femmes dotées de pouvoir magiques : c’est elle qui soigne le beau chevalier de sa blessure et qui le garde auprès d’elle. C’est elle aussi que Tristan doit ramener à son oncle le Roi Marc.

Comme tous les preux, il ne demande qu’à accomplir sa mission pour contenter son roi, mais cette histoire est marquée par une forme particulière de la fatalité. Pendant la traversée qui doit ramener le couple sur les rivages de Cornouailles, un « vin herbé » fait son effet et Tristan et Iseut tombent éperdument amoureux. Les yeux de l’amant mélancolique sont désormais définitivement détournés, et l’un et l’autre, malgré la présence du Roi Marc et d’un cour soucieuse d’honorabilité, n’auront de cesse de déjouer les pièges des regards pour tâcher de s’aimer en secret.

Cette belle histoire aux maintes péripéties (souvent cocasses, car il s’agit de tricher ou de mystifier) s’est construite sur des versions variées. On lit souvent la version d’un certain Béroul qui écrivait au XII° siècle, mais ce même Béroul s’est largement inspiré des contes qui circulaient à cette époque dans le royaume d’Angleterre d’Henri II et d’Aliénor d’Aquitaine, via troubadours (du pays d’Oc, sud Loire) et trouvères (du pays d’Oïl, nord Loire). Des influences diverses nourrissent cette littérature qui découvre notamment l’esprit de la courtoisie.

Le chevalier courtois rend hommage à cette « dame » qu’il aime de loin, de façon religieuse et platonique. En ce sens, Tristan comme Lancelot se voue à un seul amour. Mais il consomme presque sauvagement cette relation à l’autre. L’étreinte d’Iseut lui est nécessaire au point qu’il est prêt à tout pour la retrouver. C’est le sens de la fable du chèvrefeuille et du coudrier que raconte Marie de France dans son célèbre poème connu sous le titre « le Lais du chèvrefeuille », « Ni vous sans moi, ni moi sans vous ». Enlevez le baton de coudrier au chèvrefeuille et tous deux dépérissent.

Tristan dans le maquis arthurien

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Quel chevalier chez Arthur ?

Publié le par Eric Bertrand

On le voit à la lecture de ces récits, le lecteur, plus ou moins édifié, se trouve confronté à une aristocratie de personnages. Ces chevaliers sont-ils pour autant tous construits sur le même moule ? Ce serait ennuyeux et pauvre littérairement ! Même s’ils n’ont rien à voir avec les guerriers de l’époque d’Arthur, ces hommes sont différents les uns des autres. Tel chevalier est gouverné par son tempérament. Ainsi, le sénéchal Keu ne peut retenir sa langue acerbe. Arthur est confronté à travers lui à la réalité de la querelle, de la violence et, d’une certaine façon de l’humanité : en cela, sa parole dérangeante agit comme un déclencheur de la prouesse et de la courtoisie. Piqué au vif, tel autre chevalier aura à cœur de sublimer ce tempérament par la force de l’esprit. Gauvain, incarne cette valeur. Il dispose d’une véritable autorité morale et s’impose naturellement, comme un bon conseiller, par son charisme et sa lucidité.

Tel autre, qu’il s’appelle Tristan ou Lancelot, est mu par la force de son coeur. Le chevalier courtois pratique la religion de l’amour : sublimation de soi, recherche quasi maniaque du raffinement, exercice de la contemplation et de la méditation, tels sont les élans du cœur qui guident le personnage au fil de ses aventures. Cet enthousiasme de l’amour mène à un but ultime, celui de plaire à la dame et de lui rendre service. Pas besoin de retour charnel (en cela le cas de Tristan et Iseut est particulier).

Tel autre enfin, et cet aspect est essentiel et correspond au dernier développement de la figure du chevalier, n’obéit qu’à son Dieu et à la charité chrétienne qu’il lui impose. Le chevalier ne vit que pour rendre service et venir en aide à la détresse d’autrui. Yvain et Perceval accomplissent dans les romans dont ils sont les héros un véritable itinéraire qui les mène, par le dépassement d’eux-mêmes, à la découverte d’une essence de nature religieuse : c’est le cas avec le personnage de Galaad qui se lance, après Perceval dans la quête du Graal).

Quel chevalier chez Arthur ?

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Le chevalier en quête... de quoi au juste ?

Publié le par Eric Bertrand

Rien de confortable et de « petit bourgeois » dans cet amour-là ! L’attente et la quête impliquent à la fois patience et prouesse afin d’élever l’image de l’être aimé. Erec et Enide de Chrétien de Troyes illustre bien cela : le vaillant Erec s’embourgeoise au château, il faut qu’il quitte sa femme pour se rehausser à ses yeux par des prouesses, sans quoi il est menacé de devenir un simple mari en pantoufles et robe de chambre. C’est également le cas d’Yvain dans le Chevalier au lion puisque sa jeune femme Laudine lui demande de partir pendant un an afin d’accomplir des exploits. Et l’amant (mari ou chevalier servant) s’exécute sans broncher afin de mériter toujours la considération (sinon le baiser !) de sa dame. Cette conception particulière de l’amour renvoie une image forcément inversée de la réalité des mœurs de l’époque, la littérature fournissant déjà aux lecteurs (et lectrices !) une opportunité de rêve et d’évasion qui fasse oublier les violences et les goujateries des messieurs empressés au retour de la chasse ou de la bataille.

Point de bassesse dans le monde arthurien ! La cour d’Arthur est rendue prestigieuse parce qu’elle est composée de grands et noble chevaliers. Comment définir cette classe particulière de la chevalerie si éloignée de notre société ? Tissue d’influences diverses, visant toutes à l’excellence, elle emprunte ses caractères à la fois à la matière de France, celle de Bretagne et celle de Rome. On peut ainsi définir la figure du chevalier selon trois critères : celui de l’errance, celui de la quête et celui de l’élection. Le critère de l’errance est lié à la volonté d’affirmation de soi à travers une recherche vague des « merveilles » que le monde recèle. Mais l’errance pour l’errance ne mènerait à rien, sinon à une vague forme du narcissisme.

A l’idée d’errance se joint celle de la quête. Viviane indique à Lancelot qu’il doit se dévouer aux faibles et servir un idéal de justice. Dans cette quête, le chevalier trouve un accomplissement de soi : par exemple, Yvain, fils d’Urien, perd son nom, avant de devenir « le chevalier au lion ». Inversement, Lancelot est d’abord seulement désigné sous l’appellatif de « chevalier de la charrette ». Perceval, quant à lui, n’a l’intuition de son nom qu’au terme de sa quête. Mais n’erre pas ni ne quête qui veut... Encore faut-il une élection. Le chevalier est désigné en fonction des exigences de sa mission : la tâche est écrite, Galaad, nouveau Christ, n’a qu’à suivre sa pente naturelle de chevalier « doué », doté d’une « grâce » pour trouver le Graal.

Le chevalier en quête... de quoi au juste ?

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Cour d’Arthur et amour courtois

Publié le par Eric Bertrand

La figure d’Arthur s’impose ainsi dans un territoire où il règne à sa manière après avoir acquis sa légitimité notamment grâce à ses exploits mais aussi à son sens de la société qu’il veut raffinée. Avant ses chevaliers légendairement dévoués aux « dames », Arthur, le grand guerrier, l’ours mal léché, le tueur de monstres a déjà libéré le Mont St Michel dans le but de libérer une malheureuse... Il montre ainsi la voie... Il est essentiel dans cette cour d’Aliénor d’Aquitaine, de montrer du respect envers les femmes. Cette option renvoie à une conception fondamentale des relations entre hommes et femmes dans la civilisation celtique. Ainsi, la souveraine Guenièvre (à l’origine, une fée) se montre très influente auprès de son mari. Convaincue par la nouvelle religion chrétienne, elle s’efforce par tous les moyens de pousser Arthur à renoncer à son attachement à la religion païenne (en cela, elle se dresse contre les autres femmes influentes du roman arthurien, celles qu’on pourrait qualifier après Marion Zimmer Bradley de « dames du lac »). Guenièvre agit de la sorte non par caprice mais par conviction personnelle car elle veut à tout prix garantir l’ordre et la stabilité de la souveraineté.

D’une radieuse beauté, elle inspire un amour dévoué et total à Lancelot, cet amour qui fonde les bases de l’amour courtois. La courtoisie... Autre forme de la distinction prônée à la cour d’Arthur. La littérature du XII° définit ainsi cette nouvelle forme des relations entre hommes et femmes. On parle aussi de « la fin’amor » telle que la définissent dans leurs chansons et leurs ballades les trouvères et troubadours. Beaucoup de poètes se souviendront de la leçon par la suite pour rendre hommage aux « cheveux d’or », au « beau tétin », ou aux « yeux révolver » de leur dame... Un seul regard peut susciter cette relation idéale. L’amour entraine Lancelot à partir des seuls mots de Guenièvre : « beau doux ami ». Pour elle, il est prêt désormais à s’humilier, à monter dans « la charrette » d’infamie, pourvu qu’il lui plaise. Les liens fondés reproduisent au niveau d’amant et d’amante ce qui existe déjà dans la société de l’époque dans les rapports de vassalité.

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Roi Arthur et littérature

Publié le par Eric Bertrand

En 1136, un clerc attaché aux Plantagenêt, Geoffroy deMonmouth fournit un récit épique dans lequel il construit le Roi Arthur sur le modèle d’Alexandre le Grand tout en introduisant et par la même occasion, réhabilite les Celtes et leur mythologie. Il met en scène un peuple d’irréductibles (irréductibles Gaulois avant l’heure !), peuple cantonné dans ses montagnes de Galles et unifié par un roi charismatique tueur de monstres, un être exceptionnel, qui vainc les tribus ennemies. En 1155 : Wace, poète anglo-normand, ajoute dans son « Roman de Brut », une version française qu’il traduit en anglais. Ainsi, ces récits connaissent une plus large diffusion et agissent-ils à la façon d’une propagande car le Roi Henri II de Plantagenêt vient d’épouser la brillante Aliénor d’Aquitaine, se voit rattaché à une lignée prestigieuse. Par ailleurs, la découverte à Glastonbury de la tombe d’Arthur et Guenièvre met le pouvoir à l’abri d’un quelconque retour d’un usurpateur capable de lever rapidement des opposants.

Les éléments ajoutés par Chrétien de Troyes ne font qu’ajouter du prestige au souverain : toute une microsociété balzacienne se met à vivre dans ses récits. Chrétien insiste sur la valeur des chevaliers d’Arthur qui partent à la découverte du monde et vont répandre une image glorieuse de la cour d’Arthur. A travers les aventures de ces chevaliers, le romancier se propose d’éveiller la curiosité et d’initier l’esprit aux mystères du monde. La chrétienté étant aussi la grande affaire de la période, il n’est pas étonnant que les versions suivantes et notamment celle de Robert de Boron aillent dans le sens d’une christianisation des motifs... (Par exemple, à la lecture, ce qui s’impose avant tout, c’est la valeur religieuse du Graal et la quête spirituelle – quasi monacale – entreprise par les chevaliers comme Gallad)

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