"La bouteille à la mer"... Ce n’est pas qu’un accessoire de scène, un motif littéraire… C’est un
souvenir douloureux de l’Ecosse, mais il m’a marqué profondément et maintenant que j’en suis à relater les aventures liées à la proximité de Girnigoe, je retrouve cet épisode de la bouteille à la
mer… Il y a un passage important autour de ce thème dans
le Ceilidh et j’en livre ici quelques clés : relisons d’abord le passage qui se situe toujours à la scène 10 de l’acte 2 et
qui met aux prises les sorcières, juste après la mort de John et Georges Sinclair :
« Suzy : Bientôt, la silhouette de Fiona va s’élever au-dessus du flot et revenir hanter l’espace de la plage ! (Amère, montrant le cadavre de John) Et
c’est celui-là qu’elle va encore appeler !... (Elle s’allonge à son côté) En attendant qu’elle règle ses affaires avec l’au-delà, je me trouve finalement assez bien ici !
Diana : (Elle saisit la bouteille de whisky, porte sa bouche au goulot et fait un geste désappointé) Eh ben, il a pas laissé une goutte ! (En aparté)
Mais ma parole ! Ils ont mis du whisky là-dedans ! Sheumas devait mettre du thé glacé dans la bouteille !
Suzy : (Elle reprend la bouteille) Laisse ça, veux-tu ! Tu sais bien que je fais la collection des bouteilles vides !
Diana : (Elle reprend la bouteille) Redonne-moi cette bouteille ! Tu sais bien que la bouteille, ça me connaît !
Suzy : (Elle reprend la bouteille) C’est moi qui ai eu l’idée la première !
Diana : (Elle reprend la bouteille) J’ai un droit explicite sur les bouteilles !
Suzy : Ah bon, et on peut savoir pourquoi ?
Diana : Qui est-ce qui, depuis la nuit des temps, s’est crevée à ramasser les bouteilles des naufrageurs ? Vas-y voir un peu dans la Grotte de la Sirène, de l’autre
côté de la Baie des Sinclair !
Suzy : (Elle reprend la bouteille) C’est pas la même chose ! Regarde ! Il n’y a pas de petit billet à l’intérieur ! Pas de révélation fracassante
dans l’éclat de verre !...
Diana :(Elle reprend la bouteille) Une bonne fois pour toutes, donne-moi ça ! (Avec un air de connaisseuse) ... Juste de l’alcool évaporé !
L’alcool, c’est de l’encre sympathique… Par transparence, moi je sais lire!... Approche-toi, rends-toi utile pour une fois !
(Elles se réconcilient et prennent un air inspiré)
Suzy : (S’adressant au public) Laissez-nous rêver à l’avenir des hommes !
Diana : Aujourd’hui,Girnigoe n’est plus qu’une ruine !
Suzy : Un cimetière ! Un endroit de corbeaux !
Diana : (Elle lui dérobe une nouvelle fois la bouteille) Donne-moi ça ! Tu ne sais pas lire dans les bouteilles !
Suzy : (Excédée) Eh ben, tu peux la garder ta bouteille ! (Elle sort de scène) »
Lorsque j’ai écrit cette scène, je voulais :
- Mettre de la bouffonnerie (au cœur de la tragédie).
- Présenter une scène pitoyable de dispute au sujet d’une misérable bouteille vide
autour des cadavres.
- Rappeler les penchants alcooliques de Diana.
- Jouer sur les connotations de la transparence du verre, boule de cristal qui
permet aux sorcières de lire l’avenir…
Mais il y a autre chose, de beaucoup plus enfoui, et je m’en rends compte moi-même après coup, comme je m’en
étais rendu compte à la suite de l’écriture d’une des Nouvelles pour l’été sur laquelle je reviendrai. Je laisse cette piste à ceux qui aiment mettre en rapport le passé et l’œuvre
écrite…C’est, en tout état de cause, un souvenir qui me hante. En voici les faits. (Article à venir demain)