Dernier volet consacré au commentaire lié à la répétition de mercredi. Je reviens donc sur le discours à double fond que tiennent Rebecca et Sheumas pour, à la suite de Ronald, créer l’illusion
théâtrale : discours à double fond parce qu’à un premier niveau, ils aident le spectateur dans cette opération de transfert, et qu’à un second niveau, ils rejoignent les préoccupations
majeures des personnages….
Rebecca : (Elle s’est assise en avant-scène) : Restez assis, rêvez un peu !... Vous êtes tout près de la falaise, vous laissez vos jambes pendre dans le vide.
L’océan gronde à vos pieds. Vous renversez la tête. La nuit engloutit peu à peu le beau ciel du Caithness, cette région tellement plate après les monts du Sutherland qu’elle m’a toujours semblé
se confondre avec la mer !
Quand elle évoque la falaise, Rebecca revit la scène 4 dans laquelle elle était prête à se jeter dans le précipice … Quant à Sheumas, il se
réjouit à l’avance de signaler qu’il y a du brouillard qui se lève (ainsi, il pourra plus facilement réaliser l’évasion vers les îles Orcades) Liliane fait justement remarquer qu’en même temps,
pour odieux qu’il soit, il laisse à ce moment percer une certaine humanité…
Sheumas : Pas un bruit, comme la mer est calme ! Ecoutez comme on entend les vagues ! C’est encore plus beau, la Baie des Sinclair, quand le soleil se
couche ou quand le brouillard monte de la mer tout comme ce soir. Les derniers oiseaux de mer crient dans les grottes. La magie du lieu ensorcelle les flots et les silhouettes des deux vieux
châteaux se dressent au-dessus des falaises.
En authentique Gaël, il ne cesse de célébrer son Ecosse natale. On retrouve cette tendance presque romantique chez lui à la fin de la pièce,
quand, au moment de l’épilogue, il rejette la proposition de Lou de partir avec lui au Brésil pour vivre une vie de nabab !
Lou :Merci pour tout ce que tu as fait pour nous, Sheumas ! Fais attention à toi ! Désormais, tout est réglé ! Tu es bien sûr de ne pas vouloir nous
accompagner au Brésil ?
Sheumas :Absolument sûr !J’aime trop mon Ecosse ! Je ne pourrais plus vivre loin d’elle ! Ici, je ne crains rien ! Je connais bien les lieux autour
de Stromness et je sais où me cacher.
Dernière remarque à propos de cet échange de répliques : un jeu de scène supplémentaire me vient à l’esprit. Quand elle lui parle, Lou lui
tend une bourse bien remplie, ce qui matérialise davantage encore l’idée de corruption qui est attachée à son personnage et qui rappelle aussi au spectateur que, ce qui justifie le comportement
de Ronald, c’est l’argent. A notre époque, l’ambition de Macbeth ne serait plus d’être roi mais d’être riche et de vivre en grand seigneur ! Et sa nouvelle lady Macbeth l’a aidé à abandonner
la dignité de l’Art pour y préférer les plaisirs paresseux du luxe et de la consommation !

Caithness sky