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« Entre les murs » vu après les cours (3/3)

Publié le par Eric Bertrand

              Ce qui a fait une partie du succès du film, c’est à mon avis ce droit d’entrée dans ce labyrinthe de l’Education au fond duquel chacun des spectateurs s’est égaré un jour. Aux côtés de Soulimane ou d’Esméralda, il retrouve le tableau noir, les mots à la craie, les coups d’œil angoissants des camarades qui écoutent et qui jugent.

               Et puis, au-delà de l’espace de récréation, la salle des profs, les conseils de classe, le spectre du conseil de discipline… Le spectateur se laisse entraîner au fil de ce Léthé qui charrie la crasse adolescente, le mal être, les bas mots, les discours obsènes ou scatologiques.

               Dans la salle, ceux qui ont applaudi s’effarouchent, se pincent le nez, plaignent les profs qui « gèrent » comme ils peuvent, équipés de leurs maigres armes, et qui essaient de jouer la subtilité des mots contre les coups bas. Rien n’est jamais gagné sur ce ring où le langage doit se caser dans le gant du boxeur et où les vocables sont des uppercuts qui peuvent à tout moment riper.

               A ceux-là, je dirais que c’est souvent encore plus « sportif ». Certains soirs, j’ai l’impression de sortir en peignoir, et c’est écrit ROCKY en lettres d’or… Car, dans le film, les élèves ont des consignes. Notamment parce qu’il ne faut pas saturer la bande son… au risque de l’inaudibilité. Les élèves s’écoutent dans le film, ils dialoguent avec le prof, parviennent à dire des choses et cela semble une réussite.

               Mais dans les faits, combien de fois ils parasitent l’échange entamé avec un de leurs camarades ou la lecture désolante qu’est en train d’exécuter un cancre désigné.


 

 

Cliffs in Wick...
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B
En effet, ce passage est terrible et si nous ne devons pas oublier qu'il s'agit d'une fiction (cf.: le travail d'improvisation des élèves à partir d'une situation "phare") je pense qu'ici la fiction rejoint la réalité dans certains collèges. Ces monologues parallèles, l'impuissance de chacun, l'absence de compréhension de cette mère qui répète sans cesse, dans sa langue, que son fils est un bon fils, qu'il l'aide à la maison, et ce décalage avec le registre presque soutenu de ce principal qui explique la violence de ce jeune, est LE temps fort du film. Au delà, les personnes qui ne sont pas "entre les murs" pourront juste effleurer ce qui ce passe dans un établissement scolaire, le rythme des réunions, les découragements, le décalage entre les objectifs pédagogiques et le niveau (de langue ou scolaire) du public. Mais quoi qu'il arrive, il ne faut pas oublier les conditions de réalisation du film, ce qui n'est pas toujours facile !
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E
Babou n'a pas tort de parler de reality show... Il y a quelque chose de poignant par exemple dans l'observation de l'impuissance de cette Malienne qui ne comprend pas un mot de français et qui assiste au conseil de discipline de son fils...
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B
Je n'ai pas vu le film, mais je suppose qu'à notre époque de "reality show" et de voyeurisme grandissant, le risque de produire quelque chose de "factice", de tourner une "pseudo réalité" est latent !De plus, quand on est "dedans", on apprécie rarement la vision produite par l'extérieur (déjà quand mon père, pilote, voyait des films de combats aériens, il n'appréciait pas.... et voyait toutes les incohérences et les anomalies... !)Dans tous les cas, l'exercice est effectivement risqué !bonne journée, bises
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E
Vous avez raison Fardoise... Il faut choisir le bon moment pour aller voir ce film pas facile, surtout quand on côtoie d'un peu plus près cet univers...
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F
J'apprécie ce commentaire. J'hésite à aller voir ce film qui est pourtant parait-il un chef-d'oeuvre sur le plan cinématographique. Mais, il y a le sujet, grave de l'école malmenée, traitée comme une fiction avec des acteurs qui ont travaillé le jeu d'acteur. Et cela me gêne beaucoup, au point de ne pas avoir envie de voir le film.
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