Revenons après ce détour par la mise en scène à des généralités sur l’Ecosse. Parmi tous les ingrédients qui
nourissent le récit et la pièce,
la tourbe figure en bonne place. La tourbe est un combustible intimement attaché à l’Ecosse. S’il y a une odeur qui définit à mon sens l’hiver
écossais, quand je rentrais le soir chez moi, du côté de la Glamis Road, c’est bien celle
de la fumée de tourbe conjuguée à celle, moins noble, du fish and
ships ! La tourbe ajoute à l’atmosphère une touche magique. Toutes les distilleries conviendront de la même chose : pour faire du bon whisky, il faut chauffer les cuves
au
feu de tourbe. Ainsi « l’eau de vie » :
« uisge bhata » en gaélique prend-elle tout son arôme...
La tourbe est toujours exploitée dans le nord de l’Ecosse, et les paysans s’attèlent encore à cette corvée dont
l’origine remonte à des temps immémoriaux. Quand on circule dans les endroits les plus sauvages et les landes, on voit des tas de matière noire, découpée en rectangles. Parfois
amassés près des fermes ou anciennes « croft houses » et parfois en plein champ, rangés dans des sacs.
Dans le Caithness, prenez par exemple la route qui passe par les Camster Cairns
(http://www.geo.ed.ac.uk/scotgaz/features/moregpix10097.html) et qui permet de rallier Thurso par l’intérieur. La tourbe est un bon combustible, plus noble et meilleur marché que le charbon. Elle
produit une flamme violacée et jaune. Surtout, elle diffuse dans les maisons et dans le périmètre extérieur une odeur sucrée particulière qui agit sur celui qui la retrouve un
peu à la manière de la madeleine de Proust. Mais une madeleine trempée non dans une tisane, mais dans le ciel immense et velouté du Caithness.
C’est pourquoi dans le Ceilidh, Heather (personnage originaire du Caithness)
s’exclame-t-elle, lorsqu’elle retrouve son pays :
« Quel plaisir de revoir le pays ! Quand je suis revenue là avec Ronald, ce n’était pas si bien et ça n’a duré que quelques heures! C’est le ciel des Highlands, c’est la lande
du Caithness et les odeurs de tourbe qui voltigent dans l’air ! Je suis chez moi, Max ! »