Au milieu de la fête, des coups de cymbale et des flonflons, isolé de l’autre côté de la rigole et ne rigole pas, tel le vieux saltimbanque de Baudelaire, le vieil écrivain est tassé sur sa chaise. Le visage porte une blessure. Son beau regard est un peu humide, les mains
tremblent, le stylo est tombé. La foule des badauds passe : même passivité, flux continu, docile, insatisfait.
Les livres sont là, au stand,
sur un coin de gondole, figés dans le marbre des mots. Il les a pourtant fait danser, tournoyer, sauter sur ses genoux. Ils sont devenus
grands, sérieux, puis un jour, rigides, de plus en plus rigides, ils ont fini par tomber, raides.
Désormais, ils gisent sous la
dalle et le vieux saltimbanque les veille encore. Il rumine, palpite sur son siège, se dit que ses livres sont toujours beaux, jamais évanescents. Au contraire, l’encre sur la page blanche
réalise le paradoxe de leur « spiritualité ».