Les intellectuels dans Woody Allen
L’un des aspects savoureux des films de Woody Allen, c’est le discours qu’il tient ou fait tenir à ses personnages à propos de l’intellectualisme au point qu’il est difficile de voir l’un de ses films sans que cette ficelle ne vibre ! Allusions à Shakespeare, Tchékhov, Dostoïevski, souvent au détour d’une conversation mais parfois davantage, dans une longue « tirade » ou au sein d’un dialogue.
Mais toute l’ambiguïté de ces bons moments typiques de ses films réside dans la mise à distance de ce discours. C'est-à-dire qu’en même temps qu’il le mentionne et lui donne une importance cinématographique, Woody Allen s’en moque et le rejette avec hostilité. Et pour que l’effet burlesque fonctionne, les discours qu’on entend sont particulièrement lourds et gavés de grands mots et concepts indigestes...
Cette hostilité se manifeste de manière brutale par exemple dans l’attitude d’un mari qui s’enferme dans une chambre pour regarder un match de football américain et ne pas écouter les discours fumeux d’un ami venu à la maison... Dans le regard déboussolé du cinéaste qui subit, à la table d’un café, les discours pompeux d’un universitaire (c’est ce qui se passe avec la jeune new-yorkaise dans « Midnight in Paris » : fiancée du héros, elle tombe par hasard sur un ami universitaire et « brillant » qui leur propose une visite guidée de la capitale...) Or, le vrai plaisir intellectuel n’est pas là. Il réside plutôt dans ce nouveau « Paris est une fête » qui se révèle au spectateur que le rêve emporte, au hasard de l’intrigue un brin surréaliste, du côté d’Hémingway, Fitzegerald, Picasso.
En d’autres termes, Woody Allen, ce brillant intellectuel new-yorkais, bobo en son genre, affecte au cinéma cette attitude de mépris pour la chose intellectuelle que pourrait aussi bien affecter un prolétaire de Brooklyn, obtus, agressif, vivant comme une discrimination le fait qu’il ne connaisse pas l’art.