Ruy Blas, cousin de Lorenzaccio, Gwynplaine et Cyrano
Trois œuvres majeures du romantisme français viennent immédiatement à l’esprit lorsque le spectateur assiste à la représentation de Ruy Blas, ce drame romantique écrit par Hugo en 1838. Ces trois œuvres ne sont pas forcément contemporaines et débordent pour deux d’entre elles la « période canonique » du romantisme : il s’agit de « l’Homme qui rit » et de « Cyrano de Bergerac ».
La première des trois, peut-être le plus réussi des drames romantiques, est la pièce de Musset, « Lorenzaccio » qui date de 1830. L’auteur y réfléchit notamment sur la situation politique de la Restauration qui génère ce malaise palpable dans l’action des républicains et du héros Lorenzo de Médicis. L’action se passe à Florence au XVI°, mais c’est, aux yeux du spectateur, le miroir de la France du début du XIX°. De la même façon, Hugo situe son « Ruy Blas » dans l’Espagne du XVII° mais différents échos rappellent la réalité historique de la France à cette époque.
Désillusion romantique après le rêve napoléonien et jaillissement d’une figure lumineuse sortie de l’ombre : Ruy Blas, simple valet « ver de terre » promu par le stratagème de Don Salluste au rang de ministre et capable de châtier les grands de ce monde par le biais d’un discours à l’emporte-pièce. Ce « misérable » qui prend la parole au nom du « Peuple », c’est déjà Gwynplaine à la Chambre des lords. Comme le héros de « l’Homme qui rit », Ruy Blas trouve dans son cœur et son corps l’indignation de la misère et de la souffrance.
Son émotion est servie par un discours baroque, vivant, exalté où l’ordre classique de l’alexandrin est secoué par des coups d’inspiration ! Cette façon de dire si chère à Hugo, ce rêve de mettre « un bonnet rouge au vieux dictionnaire » se retrouve dans la souplesse et l’audace de la langue si débridée également de Rostand dans son « Cyrano de Bergerac ». Même liberté d’accent chez cet autre franc parleur qui souffre lui aussi d’un complexe et qui trouve, dans l’élan fougueux de la langue, une façon de se libérer d’une angoisse insurmontable, celle de l’imposture.