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Errances entre Guernesey et Aberdeen

Publié le par Bertrand

Je commencerai, une fois n'est pas coutume, par un conseil de lecture : engloutissez-vous dans l'Homme qui rit et les Travailleurs de la mer ! C'est une aventure inoubliable. J'ai eu ce genre de lecture entre 12 et 15 ans, comme on lit Jules Verne. Beaucoup d'images, et de personnages hauts en couleur dans la tête : des saltimbanques, des monstres, une pieuvre gigantesque, des êtres au grand coeur, des décors majestueux, des bateaux dans la tempête, des bouteilles à la mer (encore une fois ce motif !), des personnages et des lieux fabuleux (roi des Auxcriniers qui fascinait tant mon frère, contrebandiers, matelot, comprachicos, maison hantée, pierres levées, cromlechs, joueur de cornemuse…) J'y ai puisé cette attirance pour les lieux sauvages et pleins de mystère. Car il y a surtout du mystère dans Victor Hugo dont on a trop voulu faire seulement l’apôtre des valeurs sociales et du Progrès de la civilisation…
         Bref, ce que j'ai voulu retrouver au moment de ma maîtrise, puis du doctorat, c'était cet aspect particulier, caché, étourdissant. Quel meilleur cadre que l'Écosse pour réfléchir à cette dimension ? Et il y a un peu de cela dans le Ceilidh. Dans la nouvelle, mais aussi dans la pièce, notamment lorsque les sorcières se laissent aller à évoquer l'abîme.
 
« Lou : (Elle sent manifestement quelque chose et cela se traduit par un geste solennel et grandiloquent) Levez-vous, tempêtes sur la mer ! L’heure de la tragédie est annoncée !
(Elles se mettent à courir dans tous les sens, interpellant des personnages imaginaires)
Diana : Ouragans sur la lande ! La bruyère agite sa chevelure fauve et la terre se lève sur la mer comme un vaisseau démâté !
Suzy : L’océan hurle sa démence et la falaise et les récifs ont l’œil vers le large ! Ils harponnent les navires, déchiquettent les naufragés !
Lou : Les tourbillons sont affamés. Le gouffre noir exhibe son nombril !
Diana : Les tentacules remontent du fond des abysses et des monstres énormes bavent dans l’écume !
Suzy : Les vieux massifs d’Ecosse se soulèvent et crachent des jets de vapeur pestilentielle. Les créatures affolées errent de tous côtés. »
 
         J’ai donc, avec beaucoup d’obstination, essayé de repérer dans ces deux oeuvres des signes d'une écriture de dimension mythologique. Une mythologie à caractère primitif… Au début, j'ai tâché d'interpréter les noms, de réfléchir sur la symbolique des lieux hantés par les personnages des deux romans écrits à Guernesey, lieux telluriques, secteurs de pierres levées, rochers dressés au plein coeur de l'océan et cachant dans leurs entrailles un monde effrayant… Un blog à cette époque aurait pu retracer les méandres de la recherche et les atermoiements de l'écriture ! Je ne trouvais aucune prise dans ce qui avait été écrit auparavant sur Hugo, et pourtant, mes directeurs de recherche m'imposaient une bibliographie imposante. Rien, ou quasi rien, ne me satisfaisait dans ce que je lisais. Je traversais des périodes de découragement, j’avais l'impression que je resterais dans le flou et l'anecdotique (le décor celtique de ce que Hugo appelle au début de son roman «  l'archipel de la Manche », le nom du héros de l'Homme qui rit dont l'origine est celte « Gwynplaine »… Quelques traces de légendes affectivement liées à cet univers antique lié à l'espace du vieux Guernesey … Mais à part ça ? Et puis j’ai finalement trouvé la piste essentielle… Ce sera le sujet de demain.
 F1000007.JPGPagan stones
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