Le celtisme de Victor Hugo. Tel est l’idée « originale » que je prétendais venir défendre en Écosse en 1986, lorsque, à l'issue de la
maîtrise, j'ai demandé une bourse d'études nommée Stevenson qui me donnait l'occasion de travailler au sein d'une université située au sud-est d’Inverness, à Aberdeen. À ce titre, je bénéficiais
d'une inscription régulière, d’un lit en cité universitaire, ainsi que de l'appui de deux professeurs, l'un professeur de littérature française du 19
e, Bill Kirton, et l'autre,
professeur de gaélique, John Macaulay. Pour la petite histoire, ma bourse étant seulement d’environ 200 euros, j’ai d’abord, pour compléter mes fins de mois, exercé en parallèle un petit travail
de représentant « Betterware » en porte à porte, et puis j’ai finalement décroché le poste de lecteur à la fac car la jeune femme qui occupait ce poste ne supportait plus les rigueurs
de l’Ecosse.
Mon projet était simple, je voulais prouver que, dans les deux romans les plus méconnus de Victor Hugo, il y avait une dimension celtique. À
l'époque où j'envisageais ce travail dans l'optique de la préparation d'un doctorat, il était difficile de présenter sur cet auteur quelque chose qui n'eût pas été dit. Or, je trouvais que la
critique délaissait un peu trop les romans de l’exil et qu'il y avait dans l'Homme qui rit et les Travailleurs de la mer une beauté qui méritait une analyse. D'autre part,
j'étais assuré que la thèse celtique n'avait jamais été abordée de ce point de vue. Certains de mes camarades, et parmi eux quelques connaisseurs, me chahutaient en m’accusant de prêter à Hugo
des traits qui m'arrangeaient bien et me permettraient en tout cas de parcourir à nouveau l'Écosse en kilt !
Je ne partageais pas ce point de vue même si je trouvais amusant cette idée de faire de Hugo mon complice. Il y avait certes beaucoup d’intuition
et peu de matière tangible dans mon projet et il était risqué de prétendre rédiger 300 pages de doctorat à son sujet ! Le fait est que, sept ans plus tard, en décembre 93, (entre temps, il a
bien fallu me résigner à passer les concours et à commencer une carrière !), j'ai présenté officiellement la thèse pour le doctorat… Et qu’un éditeur parisien, Ellipses, m'a demandé en
2001 et 2003, de présenter la somme de mes travaux dans deux ouvrages consacrés l'un à l'Homme qui rit, l'autre aux Travailleurs de la mer. Je peux dire à présent que, malgré le
caractère un peu universitaire de ces ouvrages, la dette envers l'Écosse est importante et ceci pour trois raisons :
- A Aberdeen, j'ai pris le temps de lire et relire avec passion et dans le cadre
qui convenait le mieux ces deux oeuvres grandioses.
- A Aberdeen, j'ai eu le temps d'écrire, de noircir des pages et des pages, et
certaines d'entre elles sentent encore la fumée des cars, l'ambiance des pubs, l'air du large.
- A Aberdeen, j’ai découvert le destin d'un auteur particulier : le fameux James
McPherson à qui je consacrerai un article prochainement.
Demain, je propose de présenter avec un peu plus de précision un Hugo version écossaise…