Dans la série ossianique, j’ouvre une parenthèse à l’occasion de la répétition d’aujourd’hui. Ce matin, nous répétons exceptionnellement au lycée dans le cadre de la « Journée portes
ouvertes ». C'est l'occasion de montrer aux visiteurs qu'il existe au lycée une activité qui implique les élèves dans la pratique du théâtre associé à d’autres formes d’art. Pendant la
matinée, j'ai proposé aux élèves de venir dans une salle et de répéter comme si de rien n'était. Qu'il y ait des visiteurs ou non, nous allons donc répéter… d'autant que Françoise sera avec nous.
Il s'agit d'un samedi matin, et certains des comédiens ne pourront se libérer. J'expliquerai au besoin à ceux que cela intéressera le principe de notre démarche et on pourra consulter les
archives et le
press-book des origines.
Or n'est-ce pas aberrant qu'après dix ans d'activité, de partenariats divers, de spectacles à chaque fois réussis,
le lycée ne puisse pas encore offrir à l'atelier une salle digne de ce nom ? Quand je me retourne sur ce qu'on a fait les années précédentes, j’ai honte : répétitions bousculées par des
conseils divers dans la salle des conseils, répétitions dans les salles de classe exiguës, refuge dans les salles de l’ancien dortoir, immenses et sans chauffage, sans chaises, non balayées.
Drôle de loft pour des sacrés lofteurs ! A l'époque du Loft History 2084, certains soirs d’hiver, nous répétions dans ce hangar de la Pensée rebelle. Les quelques 15
comédiens tâchaient de s'installer contre les pylônes qui séparaient l'espace en deux blocs froids. Avec l'argent du théâtre, j’avais fini par acheter un radiateur et nous nous serrions là, les
textes entre les mains, comme les misérables du Fahrenheit 451 autour d'un feu.
Et puis le Moulin à Sons nous a ouvert ses portes et depuis, nous ne travaillons que là-bas. En d'autres termes,
pour le lycée, nous sommes des parias. Quand je vois, à l'occasion de mes déplacements dans le milieu scolaire, des lycées équipés d'une salle de spectacle digne de ce nom, je me dis que
vraiment, il y a quelque chose de pourri dans le royaume. Something rotten comme l’indique Hamlet ! Et je ne dis rien de la future ex salle de danse dans laquelle Jenny
vient faire répéter ses danseuses tous les lundis entre midi et une heure. La future restructuration prévoit de la démolir ! Et je ne dis rien des subventions ou soutiens quelconques
auxquels peut prétendre toute personne qui s'investit assez longtemps dans une pratique. Et je ne dis rien du manque de reconnaissance, et je ne dis rien, et je ne dis rien… pour ne pas enfoncer
le clou dans ces planches de la mémoire où s'agitent avec passion des générations de vaillants comédiens. Me revient à l'esprit la phrase de Macbeth : it is a poor player that
struts and frets his way on the stage and then is heard no more… Il is a tale told by an idiot full of sound and fury signifying nothing. Un pauvre acteur qui s’agite sur la scène... Un
pauvre acteur mais doté de tellement de feu. Et je les revois toujours ceux qui sont passés sur les ces planches là… Et je leur rends hommage à tous en passant ! Le jeu en vaut la
chandelle !
Phone box in Sutherland
(collection personnelle)
Vox clamantis in deserto