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Evaluer par compétences ?

Publié le par Eric Bertrand


           L’une des grandes forces de l’enseignement, c’est celle qui consiste à essaimer.

           Un professeur qui aime son métier, quand il est à l’œuvre, est « au labour »…

           Il fouille, il creuse, il sillonne, puis il récolte et sépare le bon grain de l’ivraie afin de le transmettre aux jeunes esprits dont il a la charge. Ces jeunes esprits qui, pour citer Montaigne, sont comme les abeilles qui « pillottent de çà de là les fleurs pour en faire le miel… savourent le miel à condition qu’ils sachent cultiver en eux le goût de l’épreuve et de l’effort personnel.

           Cette vérité applicable à toutes les matières est encore plus évidente pour tout ce qui touche à la littérature (même si au collège on travaille davantage sur le « français », on le fait, comme le préconisent les programmes, à partir de textes ouvertement littéraires…)

           Dans les établissements scolaires, l’enseignement du français passe par deux niveaux : celui de la transmission et celui de l’acquisition. Et pour l’élève, (et ses parents…) ce qui importe alors concerne avant tout l’évaluation.

           A l’issue d’une séquence pédagogique, il sait qu’il doit être évalué à partir de ce qu’il a compris et retenu. Moment délicat qui fait intervenir un faisceau complexe de compétences : différents critères entrent en effet en ligne de compte en fonction de l’exercice, du type de support, de la densité de la matière communiquée, du niveau de la classe, de la relation que l’enseignant crée en cours dans la durée de l’année scolaire… Autant de données difficilement quantifiables !

 

            Et voilà qu’on nous demande de programmer, comme en commission de jury, un ensemble de compétences…

            Il est peut-être rassurant et plus « transparent », au seuil d’une année et d’une salle de classe, de jeter le filet finement maillé de ces « compétences ». Mais ce « cérémonial » et cette pratique n’éloignent-ils pas beaucoup l’enseignant de son véritable but ?

            Lui faut-il réduire l’enseignement de la Littérature et du français à des objectifs si délimités et forcément réducteurs ? En filtrant ainsi les contenus, le professeur ne risque-t-il pas, sous prétexte de mieux évaluer les élèves, de stériliser la matière et de la leur rendre encore plus rébarbative ? 

             Ou alors, peut-être que rompus à l’exercice des claviers et des SMS, ils trouveront finalement un plaisir paresseux à envisager le subtil travail d’écriture, de réflexion et d’élaboration de la pensée à travers la grille réduite d’un nombre défini d’items à valider…

            Certes, je ne nie pas le bien fondé de la maîtrise de tel ou tel outil, qu’on additionne commodément à tel autre… Certes, je ne nie pas la commodité du repérage mécanique de certaines lacunes… Mais, tout compte fait, jusqu’où la somme de ces petits chiffres pourra-t-elle élever l’esprit de l’élève ?

             Et dans ce scénario du calcul, le bon professeur n’est-il plus qu’un froid technicien, un rentable évaluateur d’items ? Et dans ce sens, devient-il plus « fréquentable » par des parents d’élèves qui, enfin, ne l’identifient plus comme « un original », un « intellectuel », « un poète »… mais comme un dévoué fonctionnaire, pélican à l’estomac presque vide, mais au poil lisse !


Fin de la romance entre jeunes ! Les commères sont de retour et elles chantent à tue-tête !
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B
Voilà bien une tendance à l'image de notre société : devant des problèmes immenses qui traitent de maturité, de responsabilité, de capacité à se plier à un cadre et à des règles de bon sens, on modélise, on quantifie, on schématise des logigrammes rassurants en pensant que tout ira mieux et que les éléves (ou salariés, ou clients ou...) seront meilleurs à la fin...dans le meme esprit on multiplie les normes, les direction qualité etc... et a-t'on remarqué pour autant que les produits sont plus solides, meilleurs ou mieux pensés ? NONJe pense que les fondamentaux ne sont pas atteints et donc tou le reste n'est que verbiage et satisafactions d'ingénieur et d'énarques...D'accord avec Scheumas... est il plus important de rassurer les parents sur la "justesse" de la notation du professeur, de protéger les enseignants en les faisant se réfugier dans des usines à gaz de notation "mathématiques" ou bien de donner aux enfants et aux jeunes des valeurs, du contenu, de l'ouverture, des règles de référence ? Encore une fois, ces commissions, des groupes vont plancher des milliers d'heure sur de nouveaux systèmes qui vont encore plus complexifier le paysage et sans pour autant atteindre les objectifs de base...ah la la, pourquoi toujours tout compliquer ainsi,... et au final, il faudra pour nos futurs enseignants des cours spéciaux de "management" de la mission de prof alors qu'il manquedéjà tant d'heures de cours de Pédagogie/psychologie, un de piliers me semble t'il de la réussite de la mission d'enseignement....
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M
bien parlé maître sheumas il y a tant de choses à changer dans notre système! ç'est bien d'en parler!en tous cas je suis pour les profs qui n'ont vraiment pas le beau rôle en ce moment!bises tendres .Maw.
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J
C'est la mode lancée par le Bii (b2i) qui touche à présent les disciplines comme le français... c'est vrai que cela peut paraître rassurant de valider des compétence sur un écran, sans face à face avec l'autre ! Et qu'en on sait que les élèves ont déjà du mal à comprendre ce que signifie le mot "compétences", et surtout le découpage de celles-ci, je me demande où tout cela va nous mener !
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