Baudelaire champion de surf (2/2)
Revenons à Baudelaire et à ce «cœur des lames » que j’évoquais hier.
Les mots et les images qui s’enroulent sont autant de figures que réalise le surfeur des « gouffres amers ». A ce moment de plénitude absolue, il rivalise avec l’albatros son semblable, son frère...
C’est le creux de la vague, la pure force acoustique du poème : déferlement des sons, volume de l’alexandrin, harmonie des images, relief du vocabulaire. L’inspiration et la langue pour l’écrire ont le gonflement du flot. Hors de ce monde d’écume bleue, point d’horizon. Tout est là, qui s’offre au plaisir et à la pensée de l’Absolu...
Dans les îles Hawaï, les premiers surfeurs que côtoyait le capitaine Cook cherchaient dans la vague et le grand large quelque chose comme le frisson du sacré, « l’horizon chimérique ». Marcheur sur les eaux, Baudelaire est un athlète de l’abîme et de la mélancolie de l’Ailleurs. Tout est muscle chez lui, aspiration à l’Idéal et tension du tendon.
De la même façon que le surfeur garde la mémoire musculaire de l’expérience inouïe vécue au creux de la vague, bonheur euphorique que le caprice de l’élément communique à tout son corps, le poète vibre d’une extase sensorielle. Quand il tient une femme dans ses bras, une femme-flacon, il la caresse comme une planche bien polie, odorante et chargée de senteurs exotiques. Elle est là pour l’arracher au désespoir de son existence. Planche de salut !
Et le voilà qui tremble sur les reins de sa
compagne et les courbes de la vague, la vague qui enroule indéfiniment les paysages éblouissants de ses rêves.
Article dédié à Fred.