Dans la brume électrique
Dans les canyons d'Arizona et du Nouveau Mexique, les romans de Tony Hillerman méditent sur la vieille part indienne du territoire. Ceux de James Lee Burke sur l'immense zone du Sud américain et notamment de la Louisiane.
Les polars américains ont quelque chose de particulier qui tient sans doute aussi à cette présence obscure de l'ancienne civilisation qu'ils mettent en scène sous le vernis social.
Le hiatus est encore plus perceptible quand les forces de la nature s'en sont mêlées et ont fait remonter à la surface le véritable visage d'un pays. On se souvient encore du Cyclone Katrina qui a dévasté la Nouvelle Orléans et jeté les marges de la ville dans un bayou d'une étrange espèce.
C'est dans ce cadre que James Lee Burke situe ses personnages et
notamment la figure de son héros, Dave Ribicheaux, ex-inspecteur de la criminelle de la Nouvelle Orléans et vétéran du Vietnam (incarné par l'excellent Tommy Lee Jones). Le cinéaste Bertrand
Tavernier prend ce roman comme support pour filmer avec application la pesanteur de ce marécage propice à la prolifération du vice, pour souligner aussi la présence des ombres du passé qui
rôdent « dans la brume électrique », hantent les lieux, « poor ghosts » à la manière de celui d'Hamlet, figures tragiques, dérisoires, cyniques, victimes de la politique de
ségrégation, des guerres de sécession.