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Gilda-Angelika

Publié le par Eric Bertrand

Suite du journal du 9.08 : Dans les propos des deux femmes, bien sûr, le départ de Gigi est sur la sellette : il faut aussi clore cette intrigue et en tirer les conséquences afin de renforcer l’unité de la fable. Echo à la fable d’Angélika, (Gilda doit apparaître au lecteur comme la réalisation terrestre d’Angelika) mais aussi interprétation du sens de l’histoire en termes d’apologue sur les âges de la vie. Chacun des personnages de ce récit incarne une période particulière de la vie. Echo à la réflexion sur la métaphore du ponton…
              Le temps n’est plus à l’amusement. Francesca et Carolina ne s’adressent plus à des enfants. Elles sont face à leur propre vérité. Elles s’expriment comme des femmes qui ne sont pas seulement des « bêtes de scène » mais des êtres qui ont souffert et qui ont connu des drames…
 
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Nessuno ? Ora di siesta ?
 
Rubrique Goncourt : Easy riders ou easy readers ?
 
              Courir après les mots, comme après des mustangs ! Les attraper, leur jeter le lasso, les faire rentrer dans le corral, les dompter pour les faire danser et pour s’amuser avec eux... Depuis début septembre, la lecture est devenu un gigantesque rodéo et dans le Montana du Goncourt, chacun est le cavalier de sa monture.
              Comme le suggère un spécialiste de la lecture, Alberto Manguei, il faut continuellement réinventer l’acte de lecture : « L'astronome qui lit une carte d'étoiles disparues ; le tisserand qui lit les dessins complexes d'un tapis en cours de tissage; les parents qui lisent sur le visage du bébé des signes de joie, de peur ou d'étonnement; l'amant qui lit à l'aveuglette le corps aimé, la nuit sous les draps (...) - tous partagent, avec le lecteur de livres, l'art de déchiffrer et de traduire des signes. »
 
              Comment nos dix neuf cavaliers ont-ils rejoint l’attelage ? Je leur ai posé la question : "comment lisez-vous?". « Easy riders » entre deux livres, ils ont répondu : en route pour une opération de collage !…
 
              « Lire, voilà un mois que ce verbe me suit ! Lire jusqu’à l’épuisement ! Lire jusqu’à s’endormir ! Lire jusqu’à en finir ! Des pages et des pages déjà absorbées, mais des pages et des pages encore à ingurgiter ! Les treize livres de la sélection monopolisent la table de chevet. Je les scrute, je les tiens à distance, je les défie, je les domine, je les fixe et je m’impose avant de me jeter sur eux ! J’en suis convaincue, je l’ai lu récemment, la position de lecture influence le futur point de vue sur le livre. Et puis j’attaque ! J’attaque ferme !
              J’ai enlevé mes chaussures. Je lis en position allongée, avachie sur mon lit, en tailleur sur mon fauteuil, dans la salle d’attente du docteur, dans le salon, dans la chambre, la cuisine, la terrasse, un banc, un cours de maths, de physique, dans la voiture, même si le trajet ne dure que dix minutes, les jambes croisées, décroisées, pliées en l’air, sur le pouf, entre deux tables, le buste toujours appuyé sur quelque chose, un dossier, un mur, un meuble, dans les couloirs, dans le car, avec des boules quies, en pyjama, enroulée dans ma couette. Je lis en marchant, en parlant, en mangeant.
              J’emmène mon livre partout, et je veux absolument le finir. Après ma dose d’Internet, n’importe où, n’importe quand, je fais le silence autour de moi ou j’allume la chaîne hi-fi, j’insère cinq CD et je m’assis en tailleur, ou bien, poupée de chiffon, derviche tourneur, je bascule et je m’allonge ! Laissez-moi tranquille, silence, on tourne !
              Je ne vois pas le temps passer. Je lis la tête contre l’oreiller, je me tends, je me tords, je me bande, je m’applique, je mets la langue au coin de la bouche. J’ai le visage crispé, les lèvres mobiles, les sourcils froncés et les yeux fixes. Je plonge dans les mots et les maux, dévale la pente d’un récit, déboule sur des personnages… Mon sang ne fait qu’un tour, mon rythme cardiaque s’accélère, je m’essouffle, descends à la cuisine, reprends des forces, ose à peine regarder l’heure. J’ai les yeux rouges, le teint blafard, un filet de bave au coin des lèvres ! Vais-je y laisser ma peau !
              Je me fixe des défis, j’essaie de les tenir. Je vais les tenir, je vais les tenir ! Je voudrais un miracle ! Je voudrais lire pendant mon sommeil, derrière mes paupières apaisées, voir tourner les pages et dans la chaleur de ma couette laisser pousser les plumes des écrivains !
 
Réaction de collègue :
Pour ce qui me concerne, j'ai fini Ouest et Contours du jour qui 
vient. Le second d'abord : très beau titre, et belle histoire racontée 
avec talent même si parfois le "message" est un peu trop démonstratif 
à mon gré et peu vraisemblable dans la tête d'une encore très jeune 
fille. Ces réserves faites, je l'ai lu d'une traite, avec plaisir et 
respect, et je regrette que nous n'ayons pas eu l'occasion de 
rencontrer Miano à la place de, au hasard, Nothomb ? Parmi mes élèves 
filles, le livre a du succès. Je ne sais pas si les garçons ont 
vraiment tenté encore. Quant à Ouest, c'est presque mon seul plaisir 
de lecture quasi sans réserve. Non seulement c'est écrit avec talent, 
mais cette narration qui prend naissance comme un monologue intérieur 
de l'auteur dans le flux duquel deux des personnages principaux et le 
lecteur sont pris, j'ai trouvé ça fichtrement bien mené.
 
J'ai entendu parler à plusieurs reprises du bref reportage de Caroline 
Cartier, ce matin, sur France-Inter: il s'agissait, semble-t-il, d'une 
interview à chaud d'élèves participant au Goncourt des lycéens. 
L'objectif aurait été de détruire l'image de ce prix, comme on crève 
une baudruche. Est-ce bien l'impression de ceux et celles qui 
l'auraient écouté?
Notre rencontre avec les auteurs aura lieu lundi prochain. Merci à 
tous de l'aide apportée à partir de vos diverses expériences. Je ferai 
de même après ce lundi qui s'annonce chargé: émission sur radio 
Bleue-Roussillon le matin et rencontre avec Boulin, Audouard et Poivre 
d'Arvor l'après midi!
Cordialement
 
Je recopie ici un message que je m'aperçois n'avoir envoyé qu'à Chantal
Abramson, au sujet du reportage de Caroline Cartier.
j'ajoute encore, qu'après discussion ce matin avec mes élèves (puisqu'ilsont
fait partie des interviewés) je me suis aperçue que ce n'était pas leurs
voix que l'on entendait dans le reportage diffusé : C. Cartier avait réussi
à faire dire à d'autres lycéens ce qu'elle attendait, à savoir que "la
lecture et l'écriture c'était de la m...". A mes élèves, en les quittant
après une longue séance inutile de 40 minutes, elle a lancé "je vous laisse
retourner vous emmerder !". C'est apparemment du Cartier tout craché, si
j'en crois vos commentaires... La seule chose qui me console dans ce magma
d'insanités journalistiques, c'est que mes élèves aient voulu, contre son
souhait, lui montrer que la lecture était quelque chose d'important pour eux
(et je ne les avais préparés à rien de ce genre, je le jure !)
 
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