Polenta et cédrats de Sicile : les plats traditionnels siciliens
reste Nothomb et Lapouge avant la rencontre) : Je viens de finir
Audouard, « Un pont d’oiseaux », que j’ai lu d’une traite ou à peu près
pour éviter de m’y perdre. Avec d’abord un sentiment d’irritation de
me sentir obligée d’avaler un pavé que sans le Goncourt je n’aurais
jamais lu, cette atmosphère mi-Aragon, mi Malraux, l’Aragon
d’ »Aurélien » que j’adore et que l’on voit surgir à la fin du roman
dans l’appartement où Costes reçoit Katia Hôtel de la Paix, Malraux
qui est pour moi l’auteur « viril » le plus haïssable et dont la lecture
m’est insupportable. Toute cette histoire d’Indochine, de soldats, de
fraternités viriles et désenchantées à la Schoendorffer, univers
étranger. Sans parler de la forme et de l’écriture, honnêtes,
classiques en quelque sorte. – Et puis je me suis laissée prendre par
cet opiniâtre souci de mettre un peu d’ordre dans une histoire et dans
l’Histoire, le lot commun s’il en est un. Par ce refus obstiné du
manichéisme et de l’idéologie. Et par des personnages, comme Carraz,
le baroudeur, ou Costes, et le récit de sa rencontre avec un Léon Blum
désenchanté au moment du vote à l’unanimité des crédits militaires
pour l’Indochine. Par cette authentique histoire de fantômes, si les
fantômes sont les morts mal enterrés qui nous habitent et nous
empêchent d’agir autrement qu’en les répétant – ici, sur trois
générations. Autrement dit, ce n’est pas un chef d’ ?uvre, évidemment,
mais c’est écrit avec un souci de justesse et de sincérité, et il y a
dans l’entreprise aussi un effort de réparation que je trouve
infiniment plus humain et honorable que les invectives bouliniennes et
ses personnages en deux dimensions.
Merci donc, Antoine Audouard, je suis contente de pouvoir vous rencontrer.
En revanche, les débats bouquins sont un peu difficiles entre ceux qui
se bornent à un « C’est cool »… et ceux qui sont capables de pondre de
vraies petites perles de réflexion. Dans l’ensemble, les nôtres ont
déçus par cet échantillon de « littérature contemporaine ». Cela dit,
nous avons eu hier une vraie discussion sur « la fin de roman « ( à
propos de Miano) et on a réfléchi sur le roman et le conte, et le lien
étroit du roman avec l’Histoire (dans la sélection, c’est
particulièrement intéressant, comme thème !).
Oualà, oualà, pardonnez-moi si mon salut est un peu longuet, j’aime
bien réfléchir en dialoguant avec vous…