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Article du mois : « Les Fausses Confidences » à la Coursive

Publié le par Eric Bertrand

« Les Fausses Confidences » sur la scène de La Rochelle… Belle soirée de printemps sur le port et belle soirée dans le décor majestueux et baroque imaginé par Didier Besace. Profondeur du plateau sur lequel une succession de panneaux tournants figurent la diversité d’une grande demeure aristocratique, lieu unique qui est aussi l’enjeu d’une révolution à venir. On est en plein dix-huitième siècle…

                  Pris dans la toile de cette propriété, les personnages de Marivaux sont dans l’étreinte… Mais non à la façon de ceux d’un Fragonard ou d’un Boucher. Les « égarements du corps et de l’esprit » se jouent d’abord sur les planches, sous la magistrale et cruelle direction d’un meneur de jeu à peine dissimulé… Car ce qui compte avant tout pour l’auteur, ce n’est pas le baiser (cela finira bien par arriver, de toute façon !), c’est la lente germination du désir et de l’excitation…

                   Le meneur de jeu, laborantin du cœur humain, c’est Dubois… Dubois qui avertit son ancien maître Dorande que, malgré la différence des classes sociales, il fera en sorte de l’unir à sa nouvelle maîtresse, la noble Araminte, veuve et malheureuse.

                   Tout semble pourtant s’opposer à ses desseins : les langueurs de la jeune femme, sa résistance, son sens de l’honneur et des conventions, la garde rapprochée de sa mère, le comte qui cherche à l’épouser… et pourtant, Dubois parvient à ses fins dans le temps d’une seule journée.                   

                   La mise en scène, servie par d’impeccables acteurs (parfaite maîtrise de la voix et du corps pour Pierre Arditi) accentue encore l’impression d’étreinte. Le jour se lève, les oiseaux chantent derrière les tentures (et tirent les ficelles ?) Dubois entre en scène, il a des airs de matamore et lance des formules guerrières. Dubois est plus qu’un personnage, c’est l’incarnation du dramaturge, conscient de tirer le filet de l’intrigue comme l’autre tire la tenture, fait tourner un paravent ou fait baisser la lumière.

                     Entre les actes, la musique de Vivaldi précipite l’action. Araminte ne sait plus ce qui lui arrive. Elle s’affole, se tord les mains, comprend qu’elle tombe dans le piège d’un sentiment qui la torture. Le jeu d’Anouk Grinbert, tout en retenue et en frissons, convient parfaitement à rendre la tension de l’atmosphère. Dubois fait ce qu’il veut de « sa créature ».

                     A la fin de la pièce, la nuit est tombée, un grand escalier monte vers le haut des appartements d’une Araminte impatiente, saturée de désirs et qui prie Dorante « allons, finissons ! » Lueur de chandeliers, visage de femme déçue au bas de l’escalier, jusqu’au dernier moment. La scène ressemble à un tableau. Les acteurs savent se tenir sur la scène. Travail du maintien des écoles de comédiens… Dubois allume un réverbère, retire ses gants, défait le bandeau de ses cheveux. Satisfait. Le marionnettiste a assuré un grand spectacle. Le rideau qui se ferme à présent est un verrou, comme celui de Fragonard…

 

 fragonard-le-verrou--copie-1.jpg

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J
<br /> <br /> un moment de grâce qui marque la mémoire et un texte qui continue à courir dans la tête...<br /> <br /> <br /> <br />
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