Au Collège : l’observation du terrain. (2/2)
Dans cette observation du terrain, le livre s’attache bien évidemment aux profs : j’ai toujours eu beaucoup de respect pour la maitrise des savoirs. La mission des professeurs est avant tout, me semble-t-il, de transmettre un savoir à des élèves auxquels il leur faut s’adapter. Cette relation au savoir occupe une bonne partie du passage qui raconte la jeunesse du professeur surnommé « Limace » par ses élèves et la naissance de sa « vocation ».
Son histoire personnelle l’amène progressivement à la crise et cette crise est directement liée à des questions de pédagogie. « Limace » ne parvient plus à transmettre ce savoir dont il s’est nourri jusqu’à l’excès au cours de ses années d’étude. Il ne parvient pas à se libérer de l’angoisse et, contrairement à la majorité de ses collègues qui se sont comme ils le disent « blindés », il est atteint dans l’épiderme.
Cette angoisse est accentuée du fait qu’autour de lui, les collègues lui semblent étrangers. Ils vivent autrement et sont perçus différemment par les élèves. Cette variété de « l’espèce » est rendue sensible dans le livre par une « zoologie » du professeur : pour évaluer l’énergie et l’apparence extérieure, l’insecte ne dispose que des références à l’animalité. Au lecteur d’aller plus loin...
Les horloges tournent, les classes se succèdent... Le temps passe en même temps que les élèves mais les professeurs restent. Restent et s’usent ! Ils poursuivent cependant leur carrière et même « Limace » a derrière lui toute une carrière... Le roman s’attache ainsi à expliquer les rouages par lesquels un professeur évolue, à faire sentir ses relations avec ses supérieurs hiérarchiques, avec le corps d’inspection qui l’évalue...
Dans cet environnement que côtoient les professeurs et les élèves, le lecteur qui a été élève retrouve forcément les différents acteurs de la pédagogie : ainsi des figures incontournables hantent le récit... parents d’élèves, surveillants, CPE, inspecteurs, principaux... Ils ont un rôle à jouer : partenaires de la vie éducative, ils contribuent à imposer cette « civilisation » à laquelle je faisais référence. Narrativement, ils précipitent le drame qui se joue dans le roman.
Parce qu’elle est un lieu de convergence de la vie éducative, la salle des professeurs est un pôle narratif. Elle est lieu de détente et de pensée, lieu d’échanges et de décisions. Mais elle peut être aussi perçue autrement par des consciences en crise comme celles que je décris à travers les deux personnages principaux. Confronté à l’effervescence continue d’une salle des profs, un collègue en déprime peut développer un sentiment de paranoïa. Par ailleurs, lieu de l’Interdit, elle fascine l’adolescent qui ressent souvent à l’égard de ses professeurs, des pulsions diverses, haine, amour, fantasmes...