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Brassens et « le Grand chêne »

Publié le par Eric Bertrand

 

               On commémore Brassens comme on vient de commémorer Gainsbourg en fonction de deux dates qui se suivent à dix ans d’intervalle. En 81, j’ai perdu l’une de mes idoles dont je savais le répertoire par cœur, en 91, j’en perdais une autre dont je découvrais avec passion l’étrangeté et la modernité...

               J’ai beaucoup « revisité », exploré, réécrit l’univers de Serge et, curieusement, je n’ai pratiquement rien fait par rapport à celui de Georges. A peine abordé quelques chansons en cours de lettres... Je lui consacre avec plaisir aujourd’hui un article, à l’occasion d’une question posée dans un forum « quelle est votre chanson favorite de Brassens ? »...

               Pas facile de faire un tri... Immédiatement me viennent à l’esprit « Oncle Archibald », « La Supplique pour être enterré sur la plage de Sète » ou encore « la fille à cent sous ». Peut-être me déciderai-je finalement pour « le Grand chêne ». C’est une chanson qui reconte une histoire, comme souvent chez Brassens. C’est un apologue, d’une simplicité et d’une évidence dignes des plus beaux contes.

               Tout commence « en dehors des chemins forestiers ». Des amoureux se mettent à dialoguer avec le chêne sous lequel ils ont vidé « leur grand sac de baiser ». On sympathise, on refait le monde et on s’invite ! Le chêne accepte de sortir « ses grands pieds de son trou » et de suivre ses nouveaux amis. Brassens a chanté les bancs publics. Il chante le destin du chêne. C’est un peu comme si l’un de ces bancs avait suivi « ces petits gueules bien sympathiques » avant « les gros nuages lourds ». A la fin de l’histoire, « amère destinée », le malheureux finit dans la cheminée comme du « bois de caisse ».

               La chanson est menée sur un rythme allègre et le chêne, vite abandonné dans le jardin se retrouve en compagnie de « roseaux mal pensants » et de chiens « levant la patte sur lui ». Autour de lui tourne alors la ronde des saisons... Tout Brassens est là-dedans, le grand Pan, le temps qui passe, l’amour, la chair, le flétrissement. On se souvient encore des « Bancs publics » et de la déroute du grand ciel bleu et des projets. Les mêmes nuages roulent dans le ciel, au-dessus de la cime du grand chêne, et ce n’est pas l’orage qui le déracine mais la méchanceté de « l’horrible mégère » qui le fait « vieillir prématurément ».

               Avec le regard incrédule des amoureux de Penais, les éléments de la nature ne peuvent que s’interroger tristement et regretter la compagnie si charmante et si délicate des éphémères humains. Tiens, héritier de Brassens, Renaud s’en est souvenu dans sa chanson « mal barrés ».

 

 

 

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