« Britannicus » : la rage au corps au Vélodrome de La Rochelle
La Fabrique du Vélodrome, petit théâtre intimiste de La Rochelle, présentait vendredi soir la pièce « Britannicus » dans une mise en scène de Laurence Andreini. La pièce part en tournée dans la région à partir de la semaine prochaine et donne ce soir une ultime représentation à La Rochelle.
On n’a pas souvent l’occasion d’assister à un spectacle tragique et, qui plus est, à une pièce de Racine. C’est un plaisir auditif. Auditif et visuel. Plaisir des sens et de l’intelligence aussi.
Les comédiens mettent un soin particulier à dire les alexandrins et à respecter ce rythme particulier de la parole chez Racine qui fait sonner la rime et la diérèse. Par ailleurs, ils jouent avec force ces personnages déchirés sur le théâtre, ivres de leur monstruosité ou fondamentalement troublés par ce que Roland Barthes appelle la révélation de leur « secret ».
Monstruosité ?... Agrippine, mère autoritaire de Néron qui tâche en vain de soumettre son fils, fils devenu empereur grâce à ses bons soins et qui tourne soudain le dos à la Vertu (et à sa mère) Il a osé, le diable !
Monstruosité ? Néron imprévisible, enveloppé dans un grand manteau rouge, et qui fait brutalement le choix de la tyrannie et du cynisme en donnant ordre d’empoisonner son frère.
Pourquoi ce revirement dans la pièce alors qu’on le sent vaciller après une ultime rencontre avec sa mère et son droit conseiller Burrhus ? Peut-être à cause de la passion que sa captive Junie a allumée en lui. Après son entrevue avec la charmante et « aimable » Junie, Néron s’est enragé.
Néron se venge, parce qu’il ne supporte pas de voir Junie continuer à aimer Britannicus. Parce que Narcisse, le perfide Narcisse, fait auprès de lui son œuvre de traitre et réussit à mettre en doute les bienfaits de la Vertu. Le metteur en scène a forcé les traits de Narcisse en lui donnant l’allure d’une sorte de Méphistophéles, (ou disons Edouard dans « Twilight » !) ricanement machiavélique, cheveux souples, laqués, canine acérée, ivre du pouvoir qu’il prend sur Néron.
Par la direction des jeux de scènes (baisers, caresses, rapprochements des corps), il met en valeur la rage de la chair embrasée : tout le tremblement du texte de Racine se manifeste à travers ce ballet quasi érotique qui rapproche et sépare dans un brûlant corps à corps Junie, Britannicus, Néron et même Agrippine. La passion écorchée vive pousse aux étreintes et aux pulsions les plus troubles et, quand le rideau tombe, les personnages de la tragédie tombent pantelants sur un coin du théâtre.
En conclusion, je mettrai en ligne demain
une tirade extraite de la pièce et qui illustre très bien cette dimension du texte de Racine.