Coup de foudre et coup d’amok
L’expression « coup de foudre » fait partie de ces expressions tellement banalisées qu’elles sont rentrées dans le domaine neutre de l’usage et qu’on en oublie les métaphores qui les motivent. En l’occurrence, « le coup de foudre » examine l’état particulier de l’être humain soumis à un choc profond, à un traumatisme provoqué par la « foudre » d’une simple rencontre.
L’explorateur de l’âme humaine qu’est Zweig invente une fiction dont le personnage est victime d’une secousse interne qu’il nomme « amok » (c’est le titre de la nouvelle)... l’amok est un mal pétrifiant, une « rage », une « monomanie » qui surprend le narrateur de l’histoire. Il est médecin dans un coin perdu de Malaisie (atmosphère lourde, épaisse digne de l’Afrique de Céline ou de « Equateur » filmé par Gainsbourg, et une patiente vient le voir pour lui demander de la débarrasser de l’enfant qu’elle porte. La chose est urgente, le mari, parti depuis plusieurs mois est sur le point de revenir...
Pour des raisons un peu floues, le médécin refuse d’abord, ou plutôt propose un marché douteux... La jeune femme est offusquée, elle part aussitôt. Alors « l’amok » entre en jeu. Le narrateur se sent soudain comme aliéné. En proie à une idée fixe, il se lance à la poursuite de cette femme fatale qui vient à peine de quitter son cabinet. Il abandonne tout derrière lui, il polarise sur cette silhouette unique à ses yeux et n’est déjà plus que le jouet des événements.