La Bretagne de Renan (2/2)
Ernest Renan trône au centre de la belle place située en face de la cathédrale de Tréguier. Sa silhouette quasi goguenarde semble narguer tous ceux qui, du fond du temps, ont pu le honnir. Rien ne prédestinait pourtant ce grand prématuré, ce maudit (sorti du ventre de sa mère au bout de sept mois) à un destin si éclatant.
Une « magicienne », une sorte de druidesse inspirée qui vivait en marge du bourg, avait « lu », dans la lumière et les « signes » de l’étang, que l’enfant survivrait et qu’il lui faudrait remercier la miséricorde divine. Et de fait le « protégé de Dieu », un brin iconoclaste, grandit, s’instruit, étudie plus que de raison. Sans rien avouer encore de ses pensées profondes, il médite, à l’ombre de la cathédrale. Rien ne semble l’empêcher de devenir un jour cardinal. La petite ville, fervente catholique, fonde tous ses espoirs dans le l’étudiant de Tréguier quand il s’en va vers Paris pour parfaire sa formation. Mais la curiosité intellectuelle et le sens critique de Renan l’amènent vite à des vues un peu en marge de l’orthodoxie...
Il s’exprime dans des ouvrages savants dans lesquels il remet progressivement en cause l’origine du christianisme. La parution de « la Vie de Jésus » fait l’effet d’une bombe. La population de Tréguier aussitôt crie scandale, trahison ! Au bûcher ! Plus question pour le renégat de revenir au sein d’une patrie qu’il a pourtant célébrée dans les « Souvenirs d’Enfance et de jeunesse ». Mais le vieux druide ne peut se passer de la poésie des races celtiques et il trouvera refuge en un manoir écarté dans un coin des Côtes d’Armor pour continuer à hanter les lieux. Les esprits finissent toujours par chasser les vieux démons et aujourd’hui Renan est la fierté de Tréguier comme Rimbaud celle de Charleville ! Eternel retournement de la Fortune !