« La Passion d’Anna Blaine » de Pernelle Sévy (2/3)
Le récit de Pernelle Sévy commence comme une nouvelle de Maupassant ou de Zweig... Par un enchâssement. La narratrice s’est liée d’amitié avec une dame d’un certain âge qui s’appelle Anna et qui l’accompagne dans des promenades vivifiantes en bord de mer. En sa compagnie, la ligne de l’horizon se redessine, changeante, inattendue, éblouissante. Pernelle Sévy évoque avec délicatesse les buissons de lentisques, le serpolet, le bleu du ciel, les courbes plates et la craie de falaise blanche que les sentiers de ces communes du nord de La Rochelle (si chères à Simenon) font parcourir. Mais en même temps, la conversation des deux femmes imprègne le paysage, lui ajoute le pinceau des peintres qu’Anna a côtoyés du fait de son ancienne activité dans une galerie parisienne.
J’ai aussi évoqué l’univers de Zweig car le titre résonne de ce fonds de passion qui anime les personnages des nouvelles de l’écrivain autrichien comme « 24 heures de la vie d’une femme » ou « Lettre à une inconnue ». Inconnue, Anna l’est au fond elle aussi car, un jour (fin du prologue), la narratrice apprend avec stupéfaction le suicide de son amie. Elle découvre alors, en même temps que le lecteur, une lettre dans laquelle Anna livre son secret.
Il faut remonter aux origines de « la fêlure » qui explique en partie le suicide... Pour cela, Anna plonge dans cette enfance qui la ramène à Royan, aux côtés d’un père boulanger, d’une mère coquette et autoritaire et d’un grand frère chéri, Emmanuel, avec lequel elle a très tôt partagé la passion de l’art et des livres, le plaisir de penser, puis les plaisirs plus troubles du corps. Car, au creux du cœur noué d’Anna, c’est le souvenir du drame d’un amour passion, d’un amour tabou qui se love.