Le naufrage de la haie et la mise à plat de la pédagogie (2/2)
Ce que, à partir de la réflexion de Michel Serres, j’analysais hier comme « naufrage de la haie » est valable aussi dans le domaine de l’évolution de la pédagogie. Naguère, chaque professeur (notamment de français, discipline ô combien ouverte à l’aventure imaginaire, du moins c’est toujours comme ça que j’ai considéré ce métier) était un bosquet d’imprévisible jaillissement, un « buisson ardent » dans lequel l’élève un peu curieux venait « buissonner »... Buissonner pour dénicher de l’idée, de l’intuition, de l’invention, de l’énergie, de la saveur, du trouble, de l’enthousiasme, de la rêverie, de l’éveil, de la lucidité, du raffinement, de l’intelligence... Bosquets du printemps remplis de pollen et de plantes grimpantes aux fruits interdits... Instants de Paradou dans une journée un peu sèche
« Foin des délices de Capoue » dirait Brassens ! La tendance actuelle va dans un tout autre sens : celui de « l’acquisition et la validation de compétences ». Aucune discipline n’y échappe. Il faut désormais construire le cours en fonction de ces indicateurs à acquérir, défricher pour « démembrer », découper pour organiser, labourer pour produire... Un tableau de compétences est un champ exploitable par le soc informatique, mais, comme tout champ à cultiver, en adret ou en ubac, il lui manque ses moments d’oxygène, de fraicheur, de chaleur, d’ombre et de lumière.