« Les Chemins noirs » : Un parcours à mi-chemin entre la réalité et le cauchemar (5/7)
Le passage dans le Monténégro (où il passe l’hiver) apparaît dans le roman comme une zone intermédiaire, quasi onirique, durant laquelle le héros fait des expériences qui oscillent entre le rêve et le cauchemar, comme s’il côtoyait les démons de l’enfance à travers des références aux livres de contes. Un pays de sauvages où on vous égorge dans les bois. (Et, de fait, après avoir échappé à la virile étreinte d’une bergère « velue comme un gorille », au cours d’une nuit vraiment cauchemardesque, il échappe par miracle à trois meurtriers qui le traquent avidement)
Enfin, au moment de la fonte des neiges, il s’échappe de la maison de « l’ogre ». Le géant était inquiet. Il avait raison. Une nuit qu’il ronflait à soulever le toit, je me glissai dehors (...) je pris sous la lune le long chemin noir. A ce moment, il prend ce qu’il appelle « le chemin des femmes », sorte de retour à la vie réelle après la parenthèse.
Cette tendance du récit à entrainer le lecteur aux limites du réel appréhendé comme une menace ou un reflet de l’abjection par le personnage génère bien d’autres figures cauchemardesques au fil des aventures. (On pourrait citer dans ce défilé de chimères la scène où Mariette est attifé par les fantasmes des prisonniers dans la cellule, la description de sa pendaison, l’évocation du beau visage de Valentin transformé par les coups en « nouveau Gérard Philippe », la vieille fantomatique croisée dans le cimetière, les silhouettes spectrales de l’asile, l’animation effroyable du cadavre du vieillard « travaillé » par la lubricité déchainé de l’obsédé sexuel de l’asile psychiatrique...)