Un astre qui passe et quatre murs et un toit
Quand elle est sortie, la chanson de Bénabar « Quatre murs et un toit » m’avait tout de suite plu parce qu’elle me paraissait réussie et parce qu’elle avait des allures de fable : l’histoire d’une maison qui accueille diverses générations et qui finit par être vendue… Beaucoup de gens se projettent dans cette situation !
Aujourd’hui que mes parents vendent la maison familiale dans laquelle nous nous sommes régulièrement réunis au fil de longues années, elle prend une signification encore plus personnelle, notamment dans son dernier couplet.
Quand les acheteurs sont repartis après leur deuxième visite, le soir tombait. Les rayons du soleil mordoraient les vieux murs et découpaient les silhouettes des arbres devenus grands et presque chenus pour certains. Puis la nuit est venue. Ma fille, fatiguée comme les autres par les conversations, m’a entraîné vers la fenêtre et a attiré mon attention sur l’éclat particulier de la lune.
L’astre semblait échanger son propre rayonnement avec celui de cette maison qui poursuivait son voyage comme un astre décroché que nous allions soudain abandonner. Il emportait avec lui des étés et des Noëls lumineux, des journées en kyrielles, des visages et des silhouettes évanouis, des jappements de chien, des éclats de voix, des jaillissements d’eau de piscine, des départs, des larmes, des voyages et des retours aux sources.
C’est un peu comme dans ces « Empires de la lune » du baroque Cyrano de Bergerac où l’on voit les voyageurs s’éveiller à la conscience de la précarité des affaires humaines et poser un pied plus inquiet sur ce que le vieux Montaigne appelle « une branloire perenne », la Terre ! Nos destinées dessinent des filaments entre nos astres favoris : un pays, une région, un village, une maison, une femme, des enfants…