Splendeurs mayas et fins des mondes (éditions la Roche de Muzon) Dans le tamis de Francis Lepioufle
Lorsqu’il part et qu’il se perd dans des espaces lointains, Francis Lepioufle est toujours un brin aventurier et porte, à sa façon, la plume au chapeau. Et, pour le plaisir du lecteur avide de connaissances et de sensations inédites, cette plume a toujours maille à partir avec la langue, la culture locale, la cuisine traditionnelle, l’habitant, l’Histoire et, sans mauvais jeu de mots, le Maya. Car il s’agit cette année de plonger au cœur du Mexique et de cette terre ancienne et majestueuse qui l’a, avec son épouse, depuis longtemps fasciné même si, inévitablement, la civilisation moderne l’a écrasée et presque pilée au fond de sa grande casserole, jusqu’à n’en laisser que « la fin d’un monde ». D’où ce titre qui oscille entre deux bords : « Splendeurs mayas et fins des mondes ».
Que ce soit au Mexique ou ailleurs, le lecteur le sait très bien, tout voyage entrepris cette année 2020 a été forcément bousculé, voire rattrapé par la pandémie. Et dans l’ivraie de ce récit de voyage, le bon grain est forcément tourmenté par la réalité galopante du virus qui circule entre les lignes des 245 pages et les centaines de kilomètres parcourus. Il vient modifier les itinéraires, moduler les réflexions, exciter le style, crisper le sourire de l’habitant, changer l’inflexion de sa voix, jeter dans son regard un voile d’inquiétude.
Cet obstacle au contact franc et spontané si cher à l’auteur surprend l’enquête et le séjour mais, à défaut de les suspendre, ajoute au récit une véritable dramaturgie. Au fil des pages, menace sanitaire et menace de confinement viennent s’ajouter aux autres menaces propres à ce pays. Car, c’est un fait qui s’impose aussi au lecteur, au Mexique, choisir de voyager hors circuit organisé c’est accepter de prendre des risques.
Mais la plume facétieuse de Francis Lepioufle semble tout ignorer.
Elle est d’abord là, dans son sac à dos et sur son carnet de bord. Dans les bus, les taxis, les chambres d’un soir. Sur les sentiers, dans les rues, à travers les quartiers plus ou moins mal famés. Elle ne recule devant rien. Elle voltige. Pourvu qu’elle y trouve matière à humanité, matière à philosophie et matière à secret. Matière à distance et à humour aussi.
Pourvu qu’elle remplisse la tâche qu’elle s’est assignée.
« Sillonner le pays, de Mexico jusqu’au Yucatan, à la découverte des traces des splendeurs aztèques et mayas, des empreintes espagnoles de Cortès et des Indiens autochtones du présent » comme l’indique la quatrième de couverture. Diderot, cité en exergue du livre, l’avait bien dit en son lointain XVIII° siècle : « Tout s’anéantit, tout périt, tout passe : il n’y a que le monde qui reste, il y a que le temps qui dure. »
Et rien n’anéantit la plume.
Au fil des paysages, des villes et des villages. Elle passe. Derrière les vitres des bus, de jour comme de nuit, elle se soulève, elle frémit. Et comme si les mots ne lui suffisaient pas pour pailleter la page blanche, les photos en couleurs la relaient, étapes après étapes. Paysages, vues d’ensemble, détails, statues, objets d’art, visages, rues, salles de musées, dessins, peintures, plats typiques se succèdent et aident le lecteur à se représenter chaque lieu, chaque scène.
Rien n’échappe à l’œil en éveil du chercheur d’or qui tient comme un tamis son carnet de bord du 5 février au 21 mars 2020 et qui laisse s’amonceler, au fond de son escarcelle, d’autres particules précieuses : celles qui le renvoient à sa Bretagne, à sa formation de chercheur et à son goût de l’échange avec les autres hommes.