« Carambars de l’enfance » de Francis Lepioufle : Le goût « chantant » des Carambars
Depuis que l’enfant que nous étions nous a donné sa main, nous avons gardons au fond de nous une poche de dragées à polir. Marcel Proust savourait les rondeurs des petites madeleines et Renaud les caramels à un franc et les mistrals gagnants. Francis, de son côté, redécouvre le goût des Carambars, ceux qu’il achetait à cent sous…
Des Carambars, on en trouve partout maintenant, et pas forcément au « Café chantant » dont il ouvrait la porte, à deux pas du tendre petit Bois Soleil pailleté de givre ou de lumière. Aux côtés de Francis Lepioufle, on passe l’orée de ce vieux pays gallo que j’ai tant aimé et dont je goûte aussi les Carambars. Ils me ramènent vers la vieille école de Trémuzon, à côté de Loudéac, m’aident à franchir les plaines et les collines, à m’envoler à mon tour vers les plages de l’Atlantique, au-dessus des mégalithes de Carnac, à creuser les sillons de cette terre d’Argoat, si remplie encore de semence paysanne.
L’auteur a grandi dans une ferme. Il se souvient de multiples détails et de sensations, un brin de paille dans « le rangeot » des cochons, un ballon en plastique sur le chemin de l’école, « un gatelion pour des saveurs exquises ». Le petit Daniel en tremble encore, suit les lignes de la main burinée de son père, personnage silencieux et profond déjà évoqué dans sa première œuvre, « les Chevaux de la mémoire ». Peu à peu, il trace sa route, écarte les branches, déniche les œufs des freux, trouve sa voie, rejoint Francis.
Les saisons passent, le vent durcit, le ciel se plombe, la neige tombe, Noël approche, apporte dans sa hotte des moments précieux pour l’enfant. Puis vient le temps de Pâques, les œufs tièdes des poules, l’odeur veloutée des nids, les oiseaux dans les haies ou sur le mur, les bergeronnettes, les hirondelles et ces chants qui sont à Daniel ce que ceux de la grive sont à Chateaubriand. C’est un concert étourdissant qui s’élève et qui l’appelle aux buissons de la mémoire.
Entraîné par « le flot des mots » (c’est le titre d’un récit) Francis Lepioufle fouille l’espace des alvéoles, gratte les galeries, laisse bombiller sa plume et découvre enfin au lecteur qu’il met dans le secret un sol nourricier, ce qu’il nomme « un réseau biologique capable de secréter de l’affectif. »