Chant d’Ukraine
C’est une petite voiture prise dans un immense embouteillage,
Elle attend tout au bout de la longue file.
Et, du côté de Tchernobyl, monte un essaim de gaz d’échappement.
Tout au fond d’un couloir du métro de Kiev, un enfant se pelotonne sous un banc.
Il a vu dans le ciel blanc de sales mouches noires et des bourdons qui grattaient.
Dans les rues dévastées, des tanks araignées tissaient une toile factice,
Et, derrière une vitre cassée au coin d’un bâtiment,
Ligotaient les bras d’une petite fille qui pleurait.
Dehors, les Kalachnikovs griffent les mains des civils,
Dans la terre meurtrie, on débite des tranchées et des tranches de vie :
Photo d’une femme aux rides de sang séché,
Lignes de frontières à fleur de peau, saison morte du tatouage.
Pourtant le printemps bleu remonte par la Roumanie, la Crimée…
Dans le métro, une voix claire et blonde comme le blé
S’est mise à chanter les chants de la nation ukrainienne,
Et dans les champs de Tchernobyl, poussent des fleurs jaunes.
La petite voiture redémarre après le long arrêt,
Des ombres de silhouettes dansent maintenant parmi les bagages,
Et un mot brinquebale dans l’habitacle, un mot vague et furieux : « Liberté ! ».