Olivier Rolin : Tigre en papier. (Dosette de lecture n°69)
Dans ce roman (largement autobiographique) même si le héros s’appelle Martin et non Olivier, le narrateur, installé sur le siège de sa vieille DS modèle 67, remonte le temps (et le périf parisien) en compagnie de la fille de Treize, son ami, avec qui il a vécu les grandes heures de mai 68.
La présence troublante de cette « Chloé », âgée à peine de 18 ans, perturbe et grise le narrateur au point qu’il tourne toute la nuit sur le périf et qu’il trouve le temps de raconter le passé et de poser sur ces lointaines années un regard caustique, à la fois tendre et implacable.
Certes, il n’est pas facile de faire comprendre à une étudiante, véritable produit d’une société de consommation forcenée, ce qu’a pu être le rêve de cette génération dont faisait partie son père. Martin a conscience d’avoir vieilli, d’avoir changé... Mais il se souvient de tout... Le Temps, qu’il appelle « le vieux cachalot », lui a fait perdre ses allures « d’ange des révolutions ». Plutôt qu’au Che de sa jeunesse, il est obligé d’admettre qu’il a tendance à ressembler de plus en plus à Daladier, « un type qui a canné devant Hitler ». D’ailleurs, tous ses amis, les « anciens de la Cause », les lions romantiques jadis enflammés qu’il rencontre avec Chloé au « bal des viocs », comme dans les salons de Guermantes à la fin de La Recherche du temps perdu, ne sont plus que les pâles reflets de ce qu’ils ont été.