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Jack London : Martin Eden, dosette de lecture n°73

Publié le par Eric Bertrand

Comment un matelot fruste et inculte devient-il un grand écrivain assoiffé d’idéal ? C’est l’histoire étonnante que raconte Jack London dans son roman où le personnage de Martin Eden lui ressemble trait pour trait. Dès les premières pages, le héros trouve sa motivation dans sa volonté inflexible de se mettre au niveau de la délicate Ruth Morse dont il tombe éperdument amoureux ; mais la jeune fille n’appartient pas au même monde que lui et elle fréquente les salons mondains et les hautes sphères de l’université. Martin, lui, ne connaît que « le peuple d’en bas » et dans ses mains calleuses de marin, il n’a jamais tenu de livre. Les vers du recueil de Swinburne qu’il feuillette par hasard dans la bibliothèque de la famille Morse le font étrangement trembler et entrent aussitôt en écho avec son être profond :

« Libérés de nos peurs et de nos espérances

De notre soif de vie vienne la délivrance ! »

Mais en ce début du roman, il est jeune et n’a aucun revenu fixe. Il lui faut avant tout songer à vivre et à se débattre avec les difficultés de son milieu et de sa condition. Peu importe ! Après sa rencontre avec Ruth, Martin s’enflamme et se lance de façon éperdue dans la conquête des livres. Son comportement offre au lecteur, à l’étudiant qui prépare un examen, un exemple magnifique de détermination. Et ce ne sont pas des petits jobs qu’il enchaîne pour payer ses études, mais un véritable travail de forçat qui le conduit souvent à l’abrutissement.

Rien ne l’arrête dans sa quête acharnée. Sa passion inépuisable, son intelligence sauvage et sa résistance à l’effort l’amènent à gagner sur le sommeil et sur la fatigue et à s’émerveiller toujours plus devant le mirage des Idées et de l’Art d’écrire. À ses yeux, le Savoir ne se résout pas à un simple jeu ou à un moyen de trouver « une bonne situation » comme ont tendance à le croire ceux qui, à ses côtés, sont inscrits à la fac. L’Art, la Vérité philosophique, la Connaissance se profilent à l’horizon comme une grande aventure à mener. Et Jack London, écrivain aventurier qui a fréquenté toutes les contrées du monde, qui a exercé tous les métiers, sait de quoi il parle.

Le maitre mot de la réussite, c’est la ténacité.

C’est de cette façon qu’il a pu un jour de son adolescence, vaincre à coups de poings un type plus âgé que lui, membre d’une bande rivale : l’affreux « Tête de Fromage ». Quand, au bout d’onze ans de bagarres, de blessures et d’humiliation, il réussit enfin à lui écrabouiller la figure, il comprend que ce qu’il a accompli ado dans les bas-fonds, il l’accomplira adulte dans les hautes sphères. À condition de ne rien lâcher et de toujours chercher à accéder au degré le plus élevé de ses aspirations, à « cet éclair de lumière blanche, lumière de plus en plus vive » qu’il décrit à la fin du roman. 

Jack London : Martin Eden, dosette de lecture n°73
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