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« La Fièvre dans le sang », « Splendour in the grass » : lorsque les mauvaises herbes des interdits gâchent la fraicheur de la mousse et la splendeur des hautes herbes.

Publié le par Eric Bertrand

On a la fraîcheur de l’herbe, la chute des reins, les baisers fous, la furie dans la tête et la fièvre dans le sang.

On s’aime à tomber à genoux, on ne respire plus, et puis on bondit, on se précipite pour retrouver l’autre, on l’embrasse et on l’étouffe de caresses, on se roule sur les sièges des voitures, on se jette sous les cascades, on se croit capables de vaincre les obstacles, les résistances, les principes, le temps est suspendu ; mais au bout du compte, on obéit aux conventions, aux commandements et aux injonctions qui écrivent le destin à notre place. Et puis soudain l’herbe sèche, le vent se lève, les feuilles tombent des arbres et le corps se détraque, la raison s’égare et la vie donne son coup de matraque.

Toute cette thématique est dans le beau film d’Elia Kazan sorti en 1961 : « La Fièvre dans le sang. »  

Deanie, que Natalie Wood incarne avec rage et désespoir, révère Bud (Warren Beatty) au point de tomber à genoux devant lui et Bud, torturé de désir et d’amour, se dit déjà prêt à l’épouser mais son père exige de lui qu’il fasse d’abord ses études à la prestigieuse université de Yale. Après seulement, il pourra revenir riche et respecté et faire sa proposition. Dans cette perspective, Deanie se sent de plus en plus captive. Tous ses sens palpitent, les chaines du désir la ligotent, lui entrent dans la chair et lui soulèvent le cœur. Elle est prête à s’offrir plutôt que de souffrir davantage.

Mais des forces sombres continuent de s’opposer à cette montée de sève et de sang qui fait tour à tour rougir et bleuir la peau : la mère de Deanie l’a suppliée de ne pas perdre sa vertu et Bud ne trouve pas la force de désobéir à son père. Et la vie passe et vient semer le mauvais grain dans cette Amérique de la crise de 29 où les dollars s’envolent comme des fleurs sèches.

Les quelques vers du beau poème de William Wordsworth qui donne son titre à la version originale du film entrainent les personnages à la retenue, à l’écrasement des passions et au désenchantement : « Bien que rien ne puisse ramener l'heure de la splendeur dans l'herbe, ni de la gloire dans la fleur, nous ne nous affligerons pas, mais trouverons la force dans ce qu'il en subsiste. » Though nothing can bring back the hour of splendour in the grass, of glory in the flower ; we will grieve not, rather find Strength in what remains behind. 

« La Fièvre dans le sang », « Splendour in the grass » : lorsque les mauvaises herbes des interdits gâchent la fraicheur de la mousse et la splendeur des hautes herbes.
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