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Chanter « la Californie » avec Julien Clerc ou Joe Dassin au risque d’être trumpés...

Publié le par Eric Bertrand

Trump ; Amérique ; Julien Clerc

Trump ; Amérique ; Julien Clerc

« La Californie est une frontière entre mer et terre, le désert et la vie … »
         Il y a toujours eu dans les chansons de Julien Clerc et de tant d’autres une part de rêve et de méfiance à propos de l’Amérique. Rappelle-toi la troupe de « Hair » à Broadway… « Je vois ma vie se projeter dans l’espace… Au bout de l’Atlantique, je suis un génie, génie ».
À dix-sept ans, bien avant d’aller « taper la route », toi aussi, tu te projetais ! Tu te laissais pousser des bouclettes et tu portais chèche dans le cou, sac sur le dos et guitare au côté. Tu commençais à faire de l’auto-stop et tu réclamais le « pouvoir des fleurs ». Tu lisais Jack London et rêvais à l’Amérique des chercheurs d’or, des « Vagabonds du rail » et de « l’Appel sauvage ». Tu étais un loup de liberté, de désir et d’envie. Tu avais le croc blanc de convoitise et tu rêvais de Californie : « La Californie est une frontière entre mer et terre, le désert et la vie »
        Mais à cette époque, tu étais encore un lycée, pas assez Rolo pour être baroudeur. Alors tu regardais ce jeune chanteur aux cheveux bouclés à qui tu t’identifiais de plus en plus et dont tu retenais par cœur les meilleurs des couplets écrits par Maurice Vallet et par Etienne Roda-Gil : « Les chercheurs ont laissé leurs pioches et leurs tamis, l’or étant devenu sourd à leur triste folie… » Les horizons s’ouvraient, tu écoutais Scott Mackenzie, Mamas and papas et Supertramp ; tu voulais troquer ton appareil dentaire contre l’harmonica de Bob Dylan et, sur la route, devenir « caravanier » avec « des cheveux bien trop longs pour la région, et une chemise dont les trous rêvent de te suivre un peu partout ».
Tout au long de la « country road » de Johnny Cash et de John Denver, du côté du Tennessee, ou au bout de la route 66 chère aussi à Johnny et à Eddy Mitchell, il y avait la poésie des « clochards célestes » et les pages du tapuscrit de Jack Kérouac. Tu voyais ta vie « se projeter dans l’espace » et tu te récitais du Rimbaud et du Walt Whitman : « À pied, le cœur léger, je prends la grand-route, bien portant, dégagé, le monde devant moi, devant moi le long chemin poudreux conduisant où je veux… »

Aujourd’hui, tu fermes les yeux, tu penses aux « Indiens bleus, aux lianes enchevêtrées », aux peuples « réfugiés », aux « hommes qui ont nagé » pour atteindre à « cette terre qu’il faudra bien un jour partager » … « Les palétuviers dorment sous le vent, la cannelle fauve embaume ton temps » et tu nous sens « Pétrifiés dans nos manteaux d’hiver, refoulés aux frontières du mensonge… Tués par des rêves chimériques, écrasés de certitude, dans un monde glacé de solitude… »
Dans cette Amérique frappée par le changement climatique où, à chaque été, les incendies embrasent les forêts et renversent les grands séquoias, où les cyclones défoncent les murs et les barrières, dans cette Amérique siliconée qui rêve de fusées et de bitcoins, quel est donc le président, « le prince charmant près des orangers » qui osera chanter encore « la chanson de l’Eldorado » ?  

 

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