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Dosette de lecture n°132 : Jacques Berlioz-Curlet : « Retour d’estives », quand une femme tient ferme

Publié le par Eric Bertrand

            Comment une jeune femme à qui la première mobilisation de la guerre de 14 a arraché son mari parvient-elle à diriger son existence à la ferme, malgré les nombreuses sollicitations et menaces qui l’environnent ?
            Jacques Berlioz-Curlet s’intéresse particulièrement au sort de cette Marie-Louise isolée et courageuse qui porte aussi en elle la voix des femmes du début du XX° siècle. Sans parler de son aspect historique et très humain, j’ai une affection particulière pour ce roman qui plonge le lecteur dans la région du Dauphiné que je connais bien. J’y ai vécu de nombreuses années depuis mon adolescence et jusqu’à l’âge adulte : l’évocation fidèle de la petite ville de St Jean de Bournay, de celle de la Côte St André, ou des villages comme Lieudieu et St Georges d’Espéranche permet de fixer le cadre de cette histoire dans l’atmosphère rude d’une région encore très rurale située à une quarantaine de kilomètres de Lyon…
             La campagne, les bêtes, les gens, tout me parle du pays, jusqu’au nom des personnages qui sont ceux du cru. Jacques Berlioz-Curlet connaît bien la région lui aussi et sa plume d’historien s’attache à observer avec lucidité les relations entre les fermiers de l’époque, à écouter les commérages, à traduire les craintes liées à la progression de la Grande Guerre. Mais il prend aussi en compte le rôle de la nature qui impose son propre rythme aux affaires humaines.
              Au-delà du charme régionaliste, l’évocation des moissons, des vendanges, des troupeaux qui rentrent d’estives sont autant de traits qui donnent au récit une dimension universelle et, hélas, dans le fracas des guerres d’aujourd’hui, intemporelle. La ferme et son proche environnement importent avant tout pour Marie-Louise qui attend son André parti dès le mois d’août 14. À son échelle, cette ferme lui assure une forme de résistance et Marie-Louise se bat pour son lopin et pour ses bêtes. Elle est forte et tenace mais en même temps, dans sa chair de jeune femme, il lui est de plus en plus difficile de supporter la solitude et de refouler les frissons qui s’emparent d’elle à certains moments.
              Pour cette raison ce roman rustique et historique est aussi un beau roman d’amour où l’auteur ausculte, en même temps que les spasmes de la guerre, les soubresauts de la passion.

 

 

Dosette de lecture n°132 : Jacques Berlioz-Curlet : « Retour d’estives », quand une femme tient ferme
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