Dosette de lecture n°158 : Philip Roth : Le Complot contre l’Amérique : un autre basculement de l’Amérique.
Par quels moyens au moment de la Seconde Guerre mondiale, Lindbergh aurait-il pris l’avantage sur FD Roosevelt dans la conquête de la présidence des Etats-Unis ? C’est le point de départ de cette uchronie aux accents si actuels qu’en 2004 le romancier Philip Roth choisit pour examiner l’état de son pays.
Pourquoi Lindbergh rafle-t-il la mise face à ce président si digne d’éloges qu’est FDR ? Il parle un américain du Middle Ouest, tient un discours America first, se dresse contre l’extension de la guerre et prône l’isolationnisme contre « le bolchévisme, le radicalisme et l’anarchisme » ; de plus, il est auréolé de ses exploits d’aviateur et il est soutenu par l’autorité d’un rabbin prestigieux, ce qui fait qu’une partie des Juifs adhèrent à sa politique et notamment la tante du narrateur qui, subjuguée par les discours manipulateurs de son mentor, participe à la visite de Ribbentrop à la Maison Blanche. Cette trahison aggrave le schisme familial qui existait déjà entre les deux branches de la famille.
Le climat ne cesse de se dégrader entre ceux qui soutiennent Lindbergh et ceux qui critiquent sa politique. Dans la ville de Détroit ont lieu les premiers pogroms contre celui qui « par ses propos séditieux et perfides tout juste bons à soulever la racaille s’ingénie à enrager les patriotes américains ». Au fil de l’intrigue, les choses vont trop loin : le couple Lindbergh est définitivement sous la coupe des nazis qui retiennent leur fils prisonnier et qui leur demandent, en échange de garanties pour sa santé, d’assurer la propagande en Amérique et selon un scénario méticuleusement programmé à Berlin. Ainsi, ils exigent « une politique étrangère américaine qui serve au mieux les objectifs de l’Allemagne dans la guerre ainsi que son dessein impérial. » … D’ailleurs, ils affichent une tranquille audace et un fichu mépris pour ceux que, jadis, ils ont dépossédé de leurs terres : « Ceux qui défendaient leur terre et leur mode de vie, ce n’étaient pas des Indiens mais des chrétiens américains au-dessus de tout soupçon, aiguillonné par le président des Etats-Unis par intérim. »