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première visite à Girnigoe

Publié le par Bertrand

Je suis arrivé à Wick pour la première fois un jour de septembre 1983. J’avais auparavant seulement traversé la région de Caithness-Sutherland en train. J’étais jeune bachelier, avec des copains et ma sœur Béatrice. Nous bénéficiions d’un forfait train et, pour l’amortir, nous vivions dans les trains ! (Manger, dormir !), et nous sillonnions la Grande Bretagne.
              Henri, Pascal, Beatrice jouaient à la belote, en se disant, inquiets, qu’il faudrait cette fois se résoudre à planter la tente sous la pluie (Thurso, c’était le terminus !) Collé contre la vitre, j’ouvrais des yeux ébahis. Après Helmesdale, et toute la côte rocheuse, l’entrée dans la lande, les troupeaux de biches, les cerfs, les petits lochs, la terre mauve, deux ou trois stations isolées, le train ne s’arrête qu’à la demande, Altnaebraec, les collines, la bruyère, la lande dans toute sa majesté. Une nuit à Thurso, la tente moisie. Le retour en catastrophe vers les radiateurs de la gare… Je m'étais dit que je reviendrais d'une manière ou d'une autre, que je prendrais le temps de rentrer en contact…
              C'est par le biais de l'assistanat que, deux ans plus tard, j'ai pu postuler pour ces terres éloignées du nord de l'Écosse dont personne ne voulait. J'étais en licence de lettres modernes, et, à l’issue d’un entretien oral, j'avais obtenu un poste plutôt réservé aux anglicistes. Mais les anglicistes étaient à Londres, à Édimbourg, à Inverness pour les plus hardis d’entre eux !
              Je descendis de « l’Orcadian », le train des Orcades dont la loco portait une tête de cerf pour emblème. J'avais un barda énorme concentré dans un immense sac de parachutiste. Les vêtements pour un an, des livres, des trousses, des affaires de toilette, un poste radio, un opinel… Je passai chez le responsable de l'école dans laquelle j'allais commencer mon enseignement une semaine plus tard, retirai les clés de l'appartement (une petite maison dans un quartier populaire situé en marche de la petite ville : la « Glamis road » nom prédestiné quand on sait l'importance du nom « Glamis » dans Macbeth !), trouvai la maison, fis le tour du locataire, ouvris la carte d'état-major du secteur.
              Il était environ 18 heures. Les jours sont encore longs. Début septembre. Le soleil brillait sur la mer à l'horizon. J’allai marcher jusqu'à Girnigoe. Ce fut mon premier choc. La haute falaise, le cachot de John Sinclair, la corde à nœuds. À l'horizon, de l'autre côté de la baie, je distinguai une autre bâtisse, c'était Ackergill Tower.
              Le programme du lendemain dimanche était fixé : je prendrais la route plus au large, pour passer par Ackergill et revenir par Girnigoe afin de mieux explorer ces hautes falaises qui entouraient le site, la petite plage en dessous, l'orifice dans la pierre qui permettait de se glisser, par le biais d'une espèce de boyau rocheux, au niveau de la mer. On y va demain. 
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